Quand l'extraordinaire s'immisce
dans le processus de deuil
Alors qu’elles prennent d’infinies précautions pour m’affirmer combien elles s’estiment rationnelles et cartésiennes, des personnes en fin de vie ou en deuil n’en rapportent pas moins des expériences qui échappent à leur compréhension : elles déclarent avoir eu un « contact » avec une personne proche récemment décédée. La plupart font part d’une expérience de « présence indéniable » de la personne disparue les « enveloppant » d’un amour ou d’une sérénité en rupture complète avec la douleur de la perte dans laquelle elles étaient plongées à ce moment là. Plus rarement, un certain nombre de personnes parlent d’un contact visuel (voir devant eux la personne disparue), d’un contact tactile (sentir un contact physique immédiatement attribué à la personne disparue) et/ou d’un contact auditif (entendre distinctement la voix de cette personne). L’expérience laisse une empreinte sereine et durable chez la personne qui la vit.
Il est important de souligner que ces récits sont peu fréquents. Peut être parce que ces expériences ne surviennent que rarement ou encore parce que les personnes sont réticentes à en faire part... Mais ils comportent des caractéristiques relativement constantes que des études plus poussées devraient préciser. Par exemple : ces expériences sont toujours spontanées (ce qui exclue les « contacts » via un médium ou toute autre forme de recherche volontaire de communication avec un défunt) ; elles surviennent le plus souvent dans les premiers jours ou les premières semaines après le décès et toujours de façon inopinée, au cours de la journée, dans des circonstances où il n’y a pas de modification de la conscience ; elles sont d’autre part très brèves (de l’ordre de quelques secondes à quelques minutes), très souvent uniques (ou se reproduisant seulement deux à trois fois) et n’entraînent que très rarement le désir de les reproduire, en consultant un médium par exemple. L’expérience, aussi ponctuelle et furtive soit-elle, semble se suffire à elle même. Enfin, l’expérience a souvent (mais pas toujours) un impact positif sur le vécu du deuil.
Je sais depuis peu que ces expériences portent un nom : VSCD – Vécu Subjectif de Contact avec un Défunt. Cette dénomination est appropriée car elle souligne la dimension subjective de l’expérience, sans affirmer, ni infirmer qu’il s’agisse d’un contact effectif avec un défunt. Les hypothèses pour expliquer ces expériences sont multiples et toutes sont valides, jusqu’à preuve du contraire.
En tant que médecin et psychiatre, mon intérêt pour l’INREES réside dans l’exigence d’une approche scientifique dans le décryptage des expériences extraordinaires. Ainsi, dans l’étude des VSCD, il serait intéressant de reproduire la démarche du Dr Moody qui, à la fin des années 80, s’est intéressé aux NDE (Near Death Experiences ou Expériences de Mort Imminente (2)), en partant des récits récurrents de personnes ayant vécu une NDE. Les millions de témoignages recueillis à ce jour attestent désormais de la réalité de cette expérience, sans pour autant apporter de réponses définitives sur ses causes.
Pour les VSCD, il en va de même. Nous en sommes aux balbutiements de la « recherche fondamentale » dans ce domaine : à ce jour, il n’existe, dans le monde, aucune équipe de chercheurs qui répertorient, de façon systématique, les récits de VSCD, en écartant ce qui est de l’ordre du psychiatrique (hallucinations, délires d’interprétations… etc.) pour ne s’en tenir qu’à des faits tangibles. Les voies d’investigation sont désormais ouvertes…
(1) : « Vivre le deuil au jour le jour » et « Après le suicide d’un proche » Christophe Fauré (Editions Albin Michel)
(2) : « La Vie après la Vie » Dr Moody