La première fois que j’entendis parler de lui, je me trouvais dans le nord de l’Inde, contre l’Himalaya, dans le village de Dharamsala, siège du gouvernement tibétain en exil. Nous étions au printemps de l’année 2007, et j’étais venu en Inde afin de rencontrer des maitres tibétains pour étudier le Bardo Thodol, le Livre des morts tibétain. J’avais eu la chance de pouvoir questionner un docteur en philosophie bouddhiste, grand érudit, Ringou Tulkou, qui avait étudié sous la direction de différents maîtres appartenant aux quatre écoles du bouddhisme tibétain. C’est Ringou Tulkou qui me conseilla le premier la lecture d’un ouvrage de Trungpa :
Je trouvais bien vite l’ouvrage dans l’une des nombreuses librairies du village, et me mis à le dévorer. Plus précisément, j’essayais alors de comprendre si ce que décrivait le livre des morts tibétain correspondait à ce que d’autres traditions racontaient sur le processus de la mort et sur l’après-vie. Je voulais comparer notamment le texte avec le récit fait par ces personnes ayant traversé des expériences de mort imminentes, ou celui de médiums.
Je commençais à être frappé par les similitudes.
Cependant, je continuais à m’interroger sur la nature de la réalité des déités et autres entités que le défunt rencontrait — à en croire le Bardo Thodol — dans son voyage après sa mort. Le Bardo-Thödol mentionne quantité de divinités, de déités très spécifiques, comment doit-on les comprendre lorsque l’on n’est pas de culture tibétaine ou bouddhiste ? J’avais inlassablement posé cette question à différents lamas. L’un d’eux — Tenga Rinpotché — m’avait notamment répondu :
J’allais le constater dans son livre, Chögyam Trungpa prolonge cette idée et replace les descriptions exotiques des textes sacrés au cœur de la psychologie occidentale. Je découvris qu’il avait fondé l’Institut Naropa, dans le Colorado, et qu’il était à l’origine d’un programme de psychologie s’inspirant directement du Bardo. Evoquant les six types d’êtres sensibles vers lesquels le défunt peut s’égarer, il écrit :
Les formes, les visions qui apparaissent au défunt peuvent être comprises comme des portraits psychologiques.
Ce qui apparaît après la mort, ce sont d’autres mondes certes, mais
Depuis plusieurs années mes pas me poussaient à travers le monde à la poursuite d’une question vertigineuse. Une question centrale, obsédante, qui avait fait irruption dans ma vie le 12 avril 2001 lorsque mon frère Thomas était mort devant moi, lors d’un accident. Avec Trungpa, une autre porte s’ouvrait, une autre perspective, grâce à laquelle je réalisais bientôt que la mort ne nous interroge que sur une seule
Dans les semaines qui suivirent mon retour en France, je rendis visite à mes parents. Comme à chaque fois, j’allais dans la pièce qui avait été la chambre de mon frère, parcourant du regard les étagères débordantes des innombrables livres qu’avait lu Thomas. Soudain, mon regard fut arrêté par un petit livre de poche de… Chögyam Trungpa. Je le pris entre mes mains. Il portait le titre de « Bardo ». En l’ouvrant je découvris qu’il s’agissait de la traduction française de transcending madness. Quelque part dans ce livre, Trungpa écrit que la mort n’est pas une terre étrangère… c’est devenue une telle évidence, que c’est le titre que j’ai choisi de donner à mon propre livre dans lequel je raconte mes années d’enquête aux frontières de la mort.
J’ai la sensation, comme une évidence, que Chögyam Trungpa a été un être vraiment à part. La lecture de la biographie que lui a consacré Fabrice Midal me l’a confirmé. Aussi suis-je particulièrement heureux, à l’occasion du 25e anniversaire de sa mort, de vous permettre de découvrir la richesse et la pertinence de son enseignement.