Ba Zi : les quatre piliers du destin
J’utilise la technique chinoise des quatre piliers du destin, appelée « Ba Zi ». L’idée est qu’à chacune des quatre données temporelles de naissance (l’année, le mois, le jour et l’heure) sont associées des qualités énergétiques. Et ces qualités énergétiques se décodent par des combinaisons des 12 animaux du zodiaque chinois (rat, boeuf, tigre, lapin, dragon, serpent, cheval, chèvre, singe, coq, chien, cochon) et des 5 éléments (bois, feu, terre, métal, eau). Donc, à chaque unité temporelle, on associe ce que j’appelle une personnalité énergétique. Par exemple, une personne née en 2013 a vu le jour une année du serpent d’eau. On rajoute à cela la qualité de ses mois, jour et heure de naissance, et cela donnera une carte de sa qualité énergétique. C’est donc une technique qui pose un système d’équivalences entre des données temporelles et des tendances énergétiques. Et qui propose une forme de coaching personnalisé avec pour objectif de caler la personne au mieux sur son potentiel dans le temps. C’est envisager comment un individu peut s’appuyer sur le temporel pour s’accomplir.
Vous voulez dire que le temps peut avoir différents attributs ?
Oui, pour les Chinois le temps n’est pas neutre. En Occident, la seule qualité temporelle qu’on nomme, ce sont les saisons. Donc quand on dit : « Il est au printemps de sa vie », on sous-entend que cette personne est jeune, dans une énergie dynamique. Les Chinois donnent une qualité à toutes les unités temporelles. On est donc dans un système qui considère que le temps, ce n’est pas une suite de numéros mais une suite de différents états énergétiques. Dans cette perspective, le temps est envisagé comme chi (énergie en chinois). C’est quelque chose qui pulse, qu’on ne voit pas mais qui n’est pas neutre, qui agit. En tant que scientifique, ce qui m’intéressait, c’est que, étant donné que le calendrier solaire chinois, sur lequel est basé ce savoir a été codifié en - 2 637 av. J.-C., on possède des siècles et des siècles d’observation de ces cycles. On a donc eu le temps d’analyser, de déduire, de modéliser ce que chaque année apporte.
Comment le temps est-il perçu dans ce système ?
Cette technique s’inscrit dans la pensée chinoise classique dans laquelle la notion de temps est cyclique. Au lieu d’avoir une vision linéaire du temps à l’occidentale, avec un repère majeur qui va être la date de naissance du Christ, le temps est vu comme étant cyclique et répétitif. Au bout d’un cycle, on redémarre. Pour nous, le temps est infini, numéroté, mais on ne lui donne ni énergie ni nom. Pour nous, le temps est, d’une certaine manière, anonyme. Il est incolore, inodore et il se déroule à l’infini. Chaque année qui vient est nouvelle, ce n’est jamais la reproduction de quelque chose qui existait avant. Alors que dans ce système chinois, il y a des cycles de 60 années, 60 mois, 60 jours ou 60 heures – parce qu’il y a 60 combinaisons possibles d’animaux et d’éléments.
Dans une vie, à condition qu’on vive plus de 60 ans, on a la possibilité de vivre un cycle complet et vraisemblablement le début d’un autre cycle. Pour les Chinois, le temps n’est donc pas une pelote de fil qui se déroule. C’est une roue qui tourne, avec un certain nombre de cases qui ont chacune leur couleur et leur texture, pour ainsi dire. Et chaque case a une force qui entre en relation avec ce que nous sommes. Ici, le concept du favorable et du défavorable n’existe pas en tant que tel, chaque qualité a des avantages et des défauts. Par exemple, 2009 était l’année du bœuf de terre. Dans le cycle, c’est le binôme le plus lourd, le plus résistant à toute dynamique. Il est associé à l’ancrage, au surplace. C’est une année où l’on fabrique des racines. Donc, l’intérêt de cette qualité, dans ce mode de pensée, est d’arriver à se repositionner, faire le point, parce que ce n’est pas le moment d’entreprendre de nouveaux projets. Si je le sais, est-ce que je vais vouloir absolument pousser les choses alors que l’énergie du moment n’y est pas favorable ? Je vais plutôt factoriser dans mon entreprise le fait que ce n’est pas encore la reprise et que c’est peut-être le moment de se centrer sur les fondements. En Occident, on n’est pas habitués à considérer le temps comme ayant une personnalité. Dans cette vision, chaque jour, chaque heure a une caractéristique différente. Cela ne se voit pas mais le temps est véritablement une énergie, il n’est pas neutre. Et plus je sais ce qui vient tous les jours, plus je me cale pour que tout se passe au mieux.
Vous indiquez donc à vos consultants les qualités temporelles qui leur sont favorables ?
Oui, mon rôle est de mettre en évidence la correspondance entre le potentiel qui existe chez la personne et un moment précis ou une période favorable, de manière à lui éviter, par exemple, de lancer un produit, d’acheter un bien, d’entreprendre un projet à un moment donné où l’énergie est contraire. Par exemple, j’ai récemment vu quelqu’un qui sort d’une relation professionnelle extrêmement difficile. Il a perdu des parts importantes dans une société à cause de son associé. Or, il est apparu une chose extrêmement claire dans sa carte énergétique, c’est que cet homme est à un stade de sa vie où, s’il reste associé avec quelqu’un il court un risque de perte énergétique. C’est-à-dire que s’il cherche un nouvel associé, il se produira certainement des schémas similaires. Il doit comprendre qu’il a suffisamment de force pour gérer son entreprise seul. Son accomplissement, ce qui lui coûtera le moins, est d’oser assumer son vrai potentiel. L’objectif pour les Chinois est de dépenser le moins de force possible en déployant au mieux notre potentiel. Si j’arrive à être dans un mouvement naturel, je vais moins m’user. Dans le mode de pensée d’obédience taoïste, dans lequel ma discipline s’inscrit, l’objectif est de durer en préservant ses forces. Il s’agit donc de pouvoir identifier suffisamment tôt dans la vie les forces les plus vives pour une personne, celles qui la rendent vivante sans effort, pourrait-on dire. Parce que quand on arrive à exercer une activité qui nous donne envie de nous lever le matin, et même si l’on y passe beaucoup d’heures, cela ne nous prend pas d’énergie inutilement.
Mais est-ce que cette vision n’est pas un peu déterministe ?
Oui et non, il y a aussi une notion d’évolution. Ce système est au service de l’évolution de ce qu’il étudie : un individu, un objet, un pays… Je dirais au service de son accomplissement. L’évolution, c’est donc d’arriver à utiliser dans notre vie le maximum de notre potentiel. Ce qu’il faut savoir aussi, c’est que dans ce mode de pensée, il y a l’idée de vies successives. C’est dit clairement. On peut dire réincarnation, mais ce n’est pas le terme qui est utilisé. Pour les Chinois nous sommes du chi incarné. Au moment de la mort, la partie yang repart vers l’univers et va se réincarner ailleurs. Et à aucun moment on ne dit que les vies de la personne sont écrites. Il y a cette notion d’évolution. Ce qu’on dit surtout, c’est que si vous ne tenez pas compte des forces extérieures à vous, spatiales ou temporelles, vous avez l’illusion d’une liberté qui n’est pas réelle et qui vous est rappelée à chaque fois que vous vous tapez le nez contre un mur. Et c’est là qu’il y a un paradoxe. Car dans ce mode de pensée qui semble dire : il y a un déterminisme, on est l’année du bœuf de terre, de manière générale, c’est plutôt plombé – bien que ça ne fasse pas le même effet chez tout le monde en fonction de la trame énergétique de chacun – ça dit en fait que plus je connais les éléments auxquels j’ai à faire, mieux je peux les gérer. Le destin n’est pas écrit. Mais ce que j’ai sous les yeux quand je fais la lecture d’un thème, met en évidence les outils que la personne a dans sa mallette pour cheminer dans sa vie, et donc dans son futur. Quelqu’un qui va avoir une super-toile, avec de l’encre de Chine et des super-pinceaux, peut faire un dessin qui ne sera pas terrible. Quelqu’un qui n’aura qu’une serviette en papier dans un restaurant et un bout de crayon va peut-être faire un dessin d’une qualité bien plus grande. C’est la personne qui dessine son destin. Les outils qu’elle a pour le dessiner, ce sont ces fameuses qualités énergétiques qu’on peut déceler, ce qui nous permet d’en tirer le plus grand profit pour faire que notre destin se déroule au mieux. Je crois que dans ma pratique, je permets à des gens d’économiser du temps et des forces.
Le « Ba Zi » serait donc l’art de voir ce qui est le plus faisable et de faire la bonne chose au bon moment ?
Exactement. C’est quelque chose qui nous met en phase avec notre réalité et notre présent. Pour reprendre l’exemple de la personne qui a perdu des parts à cause de son associé, le fait que je lui dise : « Si vous continuez à diluer votre force dans un partenariat elle va se retourner contre vous », eh bien, ça lui permet d’arrêter de faire des choses qui ne le concernent pas dans cette vie-ci. Cela provoque donc de l’ici et du maintenant et le rend plus disponible pour ce qui doit être fait. Ma pratique peut provoquer certaines réticences. On va me dire : c’est limitant. Mais on peut le voir autrement. Dans ce système qui semble simpliste et déterministe, en fait, on acquiert la liberté d’être entièrement dans l’ici et le maintenant. Alors, évidemment, c’est embêtant, parce qu’en Occident, on est quelque part éduqués pour penser que tout est possible. On se sent rapetissé par cette autre vision des choses. Mais ce n’est pas vrai qu’on peut tout faire partout et tout le temps.
La façon de penser le libre arbitre en Occident est une illusion. On a mis de côté le temporel et le spatial et on a surévalué l’individu. On se croit tout-puissants. Mais qui peut encore croire que notre vie se déroule vraiment comme cela ? Il y a une forme de déterminisme, mais c’est loin d’être un déterminisme total, c’est un déterminisme d’outils. On est limités dans les outils qu’on peut utiliser. De la même manière, nous avons un déterminisme génétique et là, par contre, on est à l’aise avec. Je défends qu’il y a un déterminisme des énergies qui nous composent, et plus nous le connaissons, moins nous allons dépenser de forces dans des domaines qui ne sont pas les nôtres, dans des moments qui ne sont pas les nôtres, et plus nous allons être libres de faire ce qui nous correspond le mieux. Et puisque ça nous correspond, ça devrait nous amener à nous sentir bien et non pas à subir quelque chose dont nous ne voulons pas.
Il y a donc un rapport au temps très différent ?
Oui. Par exemple, en Occident quand on prend un rendez-vous important, on le prend quand tout le monde est disponible. Alors que chez les Chinois, il faut que tout le monde soit disponible, mais il faut que le temps le soit aussi, qu’il soit propice. Est-ce que le temps qui convient à ce que nous cherchons à faire est disponible ? Est-ce que c’est la bonne année, le bon mois, le bon jour ? Et puis, cette idée de cycles de vies successives implique aussi un rapport au temps qui est autre. L’idée qu’on évolue d’une vie à l’autre fait qu’il y a moins d’enjeux dans une seule vie. Je ne vais pas chercher à tout faire dans cette vie puisque j’en ai d’autres. Donc je me centre sur ce que je suis, et je ne cherche pas à faire quelque chose qui n’est pas forcément indiqué. Je pourrais sûrement y arriver mais ça me ferait puiser dans mes réserves parce que ça ne correspond pas aux cartes qui me sont données dans cette vie. On peut ainsi dire que les Chinois sont moins sous pression que les Occidentaux par rapport au temps. Ils acceptent de se centrer sur ce qu’il y a à faire maintenant, avec l’idée que si ce n’est pas réglé, il faudra le faire dans la vie suivante.
Est-ce que dans cette conception cyclique le futur existe déjà ?
Oui et non. Le futur est alimenté par la qualité du bois des bûches successives que chaque année apporte au brasier. Notre passé, notre présent, nourrissent notre futur, donc, en quelque sorte, celui-ci existe déjà. Par exemple, quand dans mes conférences je parlais de l’année du bœuf de terre, on peut dire que, d’une certaine manière, j’étais dans une description du futur. Il n’était pas là quand j’en parlais mais les germes de ce type d’énergie étaient déjà là et ce vers quoi ils allaient tendre était déjà connu. Je peux aussi dire que dans les 3 années qui viennent le feu va prendre en force, ce qui n’impactera pas chacun d’entre nous de la même manière. Mais ça alimentera de manière majeure ce que par ailleurs on appelle l’éveil des consciences. L’énergie du feu, c’est une ouverture vers quelque chose de plus transcendantal. C’est une métaphore d’un mouvement d’expansion, associé au rayonnement, à la spiritualité et à la lumière. Dans ce cycle de 3 ans qui vient, toute activité, toute personne, toute énergie qui est de près ou de loin liée à cette énergie de feu va être favorisée. Ca ne dit pas que l’évolution de l’humanité va arriver à un stade de conscience ultime et que ça y est, c’est bouclé. Cela indique que cette énergie est là pour ça.