Mon enfant entend des voix
Voilà un phénomène qui, si l’on en parle peu, s’avère plus courant qu’on ne le croit. Selon les conclusions d’une étude psychiatrique menée en Irlande, au Royal Collège of Surgeons de Dublin, sur 2500 enfants, âgés de 11 à 13 ans, plus d’un sur cinq serait susceptible d’entendre des voix. « Cela peut être un cri, des murmures, des phrases isolées voire des conversations durant quelques minutes, explique le Dr Ian Kelleher qui a dirigé l’étude. Certains adolescents souffrent d'hallucinations auditives tous les jours, d'autres qu'une fois par mois. » Quel est donc la nature de ce phénomène ? Une voix intérieure ? Un parasitage extérieur ? « J’appellerais cela des phénomènes extraordinaires de la conscience, explique le Dr Vincent Liaudat, psychiatre et psychothérapeute à Lausanne.
Savoir, en revanche, comment ces voix qui se manifestent à l’intérieur de la conscience de l’enfant sont produites est un mystère... S’agit-il d’une voix intérieure, qui a plusieurs couleurs ? S’agit-il de phénomènes extérieurs qui peuvent entrer en connexion avec des parties de la conscience capables de les entendre, et d’induire ces voix intérieures, voire quasiment extérieures, je ne m’aventurerai pas à donner une réponse. Personne ne le sait vraiment. » Toujours selon cette même étude irlandaise, ce phénomène tendrait à disparaître avec l’âge car seulement 7% des 13-16 ans entendraient des voix. Pourquoi les enfants d’un plus jeune âge seraient-ils plus enclins à vivre ce type de phénomène ? Ces conclusions posent à nouveau la question des capacités extra-sensorielles qui pourraient, selon certains spécialistes en parapsychologie, s’avérer plus développées chez les jeunes enfants. « Les jeunes enfants ont une capacité de rêverie et d’imagination beaucoup plus aiguisée, concède le Dr Liaudat. Et leur conscience est plus flexible, plus souple que la nôtre. Ils ne sont ni dans le mental, ni dans l’analyse mais plutôt dans le lâcher-prise.C’est lié à leur développement. Car la partie de la conscience - qu’on appelle l’ego et qui va nous permettre de nous différencier, de nous individualiser – est encore en construction. Ceci peut leur permettre de percevoir des phénomènes subtils dans des mondes subtils auxquels on perd accès en grandissant. »
Alors, finalement, si notre ado entend des voix, faut-il s’en inquiéter ou pas ? Pour, l’équipe psychiatrique du Royal College of Surgeons de Dublin qui a mené l’étude, « il n’y a pas d’inquiétude à avoir pour les jeunes enfants puisque le phénomène se dissipe avec le temps... ». Autrement dit, ce ne serait pas grave, si ce ne sont « que » des enfants. Néanmoins, passé un certain âge, entendre des voix peut, selon le Dr Kelleher, s’avérer être le signal d’alarme d’un problème sous-jacent plus profond car sur la totalité des 13-16 ans ayant des hallucinations auditives, 80% d’entre eux auraient un trouble mental diagnostiqué. Ce point de vue se réfère au DSM américain, manuel statistique et diagnostique des troubles mentaux, sur lequel s’appuie aveuglément un courant majoritaire de la psychiatrie française. Le Dr Liaudat ne partage pas ces conclusions hâtives. Il se veut plus nuancé, et pointe du doigt les conséquences néfastes de cette doxa chez les médecins psychiatres : « Il y a là un véritable enjeu de société, un enjeu de culture autour de ce type de phénomène. Le contexte culturel influence grandement l’interprétation qu’on va en faire.Historiquement, pour les psychiatres occidentaux, entendre des voix autrement dit l’hallucination acoustique - constitue un des seuls signes "pathognomoniques" d’une maladie mentale, c’est-à-dire un signe spécifique permettant de reconnaître une maladie. Exactement comme quand un généraliste va diagnostiquer une jaunisse, il va savoir qu’à coup sûr, c’est le foie qui est touché. Mais il est faux d’affirmer qu’entendre des voix présuppose systématiquement un trouble psychique ou une maladie mentale, chez les enfants comme chez les adultes d’ailleurs. J’ai connu beaucoup de patients qui entendent des voix et qui ne sont pas malades pour autant ! Il faut une série, un cortège de maux ou de signes psychiques avec une souffrance établie pendant un certain temps et avec une certaine intensité pour en conclure qu’il y a vraiment l’existence d’une pathologie. En Orient, quand les gens disent entendre des voix,on va plutôt avoir tendance à les écouter, et à attribuer cela au divin. Tout est une question de regard sur les choses. »
Source INREES