Être voyant et /ou médium en 2024.

De tous temps, des individus ont été capables de deviner l' avenir, de faire des prophéties, d'avoir la vision d 'un évènement futur, d' une catastrophe ou d'évènements bénéfiques, ceci sous différentes formes.Les personnes qui lisent ces articles et s' intéressent à ces sujets savent déjà à quoi s' en tenir. Dans l' inconscient collectif ces personnes étaient et sont encore une énigme et même une crainte, un peu moins aujourd'hui.

Nous sommes en 2023, la situation sanitaire change la donne , mais la base reste la même, il y a enfin ! une lueur positive après deux ans de galère , les voyants sont toujours utiles. Après 12 ans d'exercice professionnel je peux faire le bilan et me dire que les voyants sont utiles et ont une place dans la société d 'aujourd'hui , comme celle d 'hier,

L'être humain est faible, sensible, comme un enfant, il a un besoin perpétuel d'être rassuré, le curé jouait un rôle important pour l’équilibre des familles, et le médecin lui aussi jouait un rôle capital, que nous reste t' il pour trouver un sens à notre vie quant elle bascule ? le voyant ? qui va enfin nous écouter , nous rassurer sur notre avenir incertain.

De nombreux cabinets travaillent 24h sur 24 ,7 jours sur 7, c 'est parfois pour un consultant la seule solution pour ne pas sombrer, je critique cependant certaines méthodes ruineuses mettant des personnes en difficultés. Les médias s’en mêlent et commencent à avertir les personnes des risques de ces pratiques.

Renseignez vous : un bon voyant a des clients, le bouche à oreille se fait, et c’est cela qui vous renseignera le mieux sur son honnêteté et ses capacités.

Rappelez vous toujours, que si les grandes lignes sont écrites, vous avez votre libre- arbitre, votre avenir dépends aussi de VOUS .

Vous pouvez me consulter, je ferai le maximum pour vous aider

Chris
Affichage des articles dont le libellé est Connaissance de.... Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Connaissance de.... Afficher tous les articles

mardi 7 mai 2013

AU NOM DE LA TERRE- Pierre RAHBI


Pierre Rabhi : « la beauté est d’abord en nous-mêmes »

Comment remettre le respect de la terre, de la nature, au centre de nos priorités ? Selon Pierre Rabhi, nous devons commencer par retrouver notre beauté intérieure, afin de trouver l’élan pour transformer notre société. Portrait d’un pionnier de l’agro-écologie.
Paysan, écrivain et penseur, Pierre Rabhi est connu pour son engagement en faveur de l’agro-écologie. Il défend un mode de société plus respectueux des hommes et soutient le développement de pratiques agricoles préservant les patrimoines nourriciers et accessibles à tous. D’abord marginal, son message reçoit aujourd’hui un écho grandissant. Le 27 mars sort au cinéma Au nom de la terre, un documentaire qui retrace son parcours. L’occasion de revenir sur le destin d’un homme qui place la beauté au centre de l’existence humaine.

jeudi 2 mai 2013

la médecine et le bouddhisme

La compassion a-t-elle sa place dans le domaine de la santé ? Le 4e Forum Bouddhisme et Médecine réunit pour la première fois en France les plus grands experts internationaux en médecine, neurosciences, et bouddhisme, pour explorer les bienfaits que peut avoir la compassion dans le contexte médical et dans la vie quotidienne.
© Rigpa
De manière générale, nous sommes tous d’accord sur le fait que notre société d’aujourd’hui pourrait bénéficier d’un peu plus de compassion et d’empathie. A cet égard, l’INREES, en partenariat avec le 4e Forum Bouddhisme et Médecine, a lancé sa première Journée de la compassion le 23 avril de cette année afin de nous proposer des moyens pour remettre notre humanité au centre de notre monde. Mais qu’en est-il du domaine de la santé en particulier ?

mardi 30 avril 2013

lundi 22 avril 2013

Se connaître avec les cartes

Les cartes de tirage ont longtemps été perçues comme un outil « ésotérico-magique ». De plus en plus, elles sont conçues comme un moyen de développer son intuition.
De plus en plus de jeux de cartes paraissent chaque année. Au traditionnel tarot de Marseille et autres classiques, s’ajoutent désormais des jeux destinés à nous mettre en relation avec notre inconscient, nos guides, ou notre intuition, selon la terminologie utilisée. Sur les 3 000 exemplaires du Voyage de Ritavan édités en octobre 2012 – des cartes joliment illustrées dont le personnage principal est un enfant de couleur bleue – plus de 1 500 se sont déjà vendus. « Les jeux sont porteurs de messages de l’âme, les gens qui les utilisent sont dans une démarche spirituelle portée par les peintures des cartes », indique Samuel Djian-Gutenberg, le créateur. « Les cartes prolifèrent et tous les milieux sociaux, toutes les catégories socio-professionnelles, sont désormais concernés », précise Claudia Trédaniel, des éditions du même nom. S’agit-il d’un nouvel avatar de la quête de soi ?

mardi 19 mars 2013

Êtes-vous prêt à aimer ?

Évènement : l'INREES organise la première Journée de la compassion et lance pour l’occasion le film 
Êtes-vous prêt à aimer ?

Découvrez et partagez le film 





© Nonnetta
Dans une société en quête de sens et de renouveau, remettre l’humain au centre semble devenu fondamental. Comment amorcer la dynamique ?

En partenariat avec les Editions Belfond, l’INREES et Inexploré magazine organisent le 23 avril 2013 la Journée de la compassion. A voir notamment : un web documentaire réalisé par Sébastien Lilli, composé d’un film de dix minutes et de vingt témoignages de personnalités issues du monde de la philosophie, de la spiritualité, des arts, et des sciences.

mercredi 13 mars 2013

© Kapouit

Peut-on cultiver notre « chance » ?

Alors que tout semble sourire à certains d’entre nous, d’autres ont l’impression d’essuyer échec sur échec et difficulté sur difficulté. Cependant, d’après Richard Wiseman dans « Comment mettre la chance de votre côté! », la chance pourrait en réalité être cultivée...

Les attentes que se font les chanceux et les malchanceux de l’avenir divergent de façon stupéfiante. Les chanceux sont convaincus qu’ils ne vivront que bonheur et succès, et les malchanceux qu’échec et malheur. Ce sont ces attentes qui expliquent en grande partie pourquoi les uns réalisent leurs rêves sans aucun mal alors que les autres n’obtiennent que fort rarement ce qu’ils désirent de la vie. Avant que je vous explique l’impact capital qu’elle exerce, il est important de comprendre le pourquoi de cette attitude des uns et des autres.
Imaginez qu’il y a quelques semaines, vous avez envoyé votre candidature pour un poste dont vous rêvez et que vous venez de recevoir une lettre de convocation à un entretien. Après l’avoir ouverte, vous réfléchissez pendant quelques instants aux probabilités d’obtenir ce job. Vous vous demandez si vous êtes capable d’anticiper les questions qu’on va vous poser et si vous allez bien vous tirer de l’entretien. Ces questions ne seront probablement pas très compliquées. Vous savez si vous êtes doué pour préparer les entretiens, si vous détenez les connaissances nécessaires à ce poste et si vous présentez bien. L’obtention de ce job dépend néanmoins de bien d’autres facteurs, beaucoup moins contrôlables. Un incident peut vous amener à arriver en retard à votre rendez-vous. Vous serez peut-être mal à l’aise parce que vous aurez été trempé par une averse subite. Vous ferez peut-être mauvaise impression en dérapant sur le tapis à votre entrée dans la pièce. Ce genre de petits ennuis relève de l’imprévisible. Il est impossible de savoir à l’avance s’ils arriveront ou non.
Imaginez à présent un monde dans lequel vous jouiriez d’une chance ou d’une malchance exceptionnelles. Si vous étiez chanceux, tous les évènements de ce type joueraient en votre faveur. Vous arriveriez à temps, le soleil brillerait et le tapis ne gondolerait pas. Si vous étiez malchanceux, les nuages d’orage s’amoncelleraient et les bords de tous les tapis se dresseraient contre vous. En fait, les issues négatives de ces évènements imprévus feraient partie des certitudes de votre vie.
Voilà l’une des raisons de la si grande divergence entre les attentes des chanceux et celles des malchanceux. Les premiers sont convaincus que ces évènements imprévisibles et incontrôlables leur seront toujours bénéfiques et les seconds du contraire. Or, comme nous l’avons vu au chapitre 2, la chance se manifeste dans tous les domaines de la vie. Il ne s’agit pas simplement d’être chanceux ou malchanceux quand on passe un entretien pour obtenir un emploi. La chance intervient aussi dans la santé, la carrière, le bien-être matériel. Les chanceux sont convaincus que le soleil brillera toujours pour eux alors que les malchanceux n’attendent que sombres nuages dans leurs vies professionnelle et privée.
Il y a une deuxième raison à ces divergences. La plupart des êtres humains ont tendance à baser leurs expectatives sur ce que leur a apporté le passé. Lorsqu’on a joui d’une bonne santé, on s’attend davantage à ne pas tomber malade. Lorsqu’on s’est bien tiré d’entretiens d’embauche, on se dit qu’il n’y a aucune raison pour en rater un. Chanceux et malchanceux pratiquent ce genre de raisonnement. Les premiers pensent que si leur vol était à l’heure par le passé, il le sera aussi à l’avenir. Les seconds se disent que s’ils ont échoué à un entretien d’embauche, ils vont réitérer leur échec. Cependant, que se passe-t-il quand les chanceux jouent de malchance et quand les malchanceux voient la chance leur sourire ? On peut imaginer qu’ils nourrissent alors des attentes un peu moins radicales à propos de l’avenir.
En fait, il n’en est rien. Car quelque chose de très étrange se produit alors. Les chanceux ne voient en un malheureux coup du sort qu’un événement passager. Ils s’en débarrassent d’un haussement d’épaules et ne le laissent pas influencer leurs attentes. Les malchanceux sont pour leur part convaincus que toute manifestation de la chance à leur égard ne peut être que temporaire et qu’elle sera bien vite suivie de leur déveine habituelle. (…)
En résumé, les chanceux et les malchanceux nourrissent des attentes très radicales à propos de leur avenir parce qu’ils estiment que la chance exerce une influence sur tout, y compris sur des évènements que la plupart d’entre nous considérons comme totalement imprévisibles. Les malchanceux sont également convaincus que chaque petite manifestation de chance ne dure pas plus longtemps qu’un clin d’œil et qu’ils vont vite retrouver leur vie terne et misérable. Les chanceux rejettent tous les mauvais coups du sort. A leurs yeux, il ne s’agit que d’évènements brefs et transitoires. Ce faisant, ils sont capables de continuer à attendre un avenir radieux. De manière générale, nos attentes exercent une forte influence sur notre mode de pensée, nos sentiments et nos actes. Elles peuvent agir sur notre santé, notre attitude à l’égard des autres et la manière dont les autres se conduisent envers nous. D’après mes recherches, les attentes des chanceux et des malchanceux ont un impact capital sur leur vie. La vision que se font les chanceux de l’avenir explique pourquoi ils parviennent beaucoup plus efficacement que la plupart d’entre nous à atteindre leurs rêves et leurs ambitions. De la même manière, celle des malchanceux explique pourquoi ils ont particulièrement de mal à obtenir ce qu’ils veulent de la vie. Tout se résume au fait que leurs attentes radicales à propos de l’avenir ont le pouvoir de se transformer en prophéties autoréalisatrices.
(Source : INREES)
Comment mettre la chance de votre côté !, Richard Wiseman
Dunod – InterEditions (Octobre 2012 ; 264 pages) 

Des médicaments de toute sorte. REUTERS/Jacky NaegelenEffet nocebo: la connaissance des effets secondaires d'un médicament augmente le risque de les subir


De la même façon que certains préfèrent s'abstenir de lire la rubrique «effets indésirables» sur la notice d'un médicament avant de l'avaler, mieux vaut ne pas poser trop de questions à son médecin sur les complications que peut éventuellement causer un traitement, et ne pas se faire trop de souci concernant sa santé.
Car la probabilité d'avoir des effets secondaires en serait nettement augmentée rapporte l'hebdomadaire bavarois SZ Magazin. C'est ce que les médecins appellent «l'effet nocebo», ce qui en latin signifie «je vais nuire», soit l'exact contraire de l'effet placebo, qui lui signifie «je vais plaire»:
«Des psychologues américains ont par exemple pu prouver que la probabilité de mourir d'une crise cardiaque est trois fois plus élevée chez les femmes quand elles croient qu'elles seraient particulièrement disposées à avoir un infarctus.» «Les sentiments négatifs augmentent chez tout le monde le danger d'avoir un infarctus, d'une façon aussi déterminante qu'une tension élevée, dit Karl-Heinz Ladwig, expert en cardiologie à la clinique psychosomatique de l'Université technique de Munich. Des symptômes tels qu'une grande fatigue ou une mélancolie dans les six mois qui précèdent un infarctus seraient si typiques que les médecins devraient prêter beaucoup plus d'attention aux troubles psychiques et aux dépressions, et pas uniquement observer les facteurs de risques classiques tels que la tension, le diabète et l'augmentation du taux de cholestérol


L'hebdomadaire Der Spiegel reprend lui les résultats d'une expérience menée auprès de patients atteints de la maladie coronarienne, à qui a été administré un traitement dont un des effets secondaires pouvait être une baisse de la libido: seuls 3% des patients qui n'en avaient pas été informés ont témoigné de difficultés au lit, contre 31% de ceux qui avaient été informés au préalable de tous les effets secondaires possibles.
Dans certains cas, l'effet nocebo peut même conduire à la mort, comme l'explique le SZ Magazin, qui cite le cas d'un Américain à qui les médecins avaient diagnostiqué un cancer du foie en phase terminale dans les années 1970, et qui pensaient qu'il ne lui restait plus que quelques mois à vivre:
«Il mourut en fait quelques semaines plus tard. Quand son corps a été examiné, les médecins s'étonnèrent pourtant: la tumeur, d'un diamètre de 3 cm, était restée assez petite, ne s'était infiltrée dans aucun autre organe et n'avait pas formé de métastases, comme l'autopsie le montra. “L'homme ne mourut pas d'un cancer mais parce qu'il croyait qu'il était en train de mourir d'un cancer”, explique Clifton Meador [chercheur à l'Université Vanderbilt, à Nashville].»
L'auteur de l'article déplore que les médecins ignorent trop souvent l'effet nocebo et ne mesurent ainsi pas la portée de leurs paroles, qui peuvent s'avérer destructrices pour la santé de leurs patients. 

Un problème pris très au sérieux par la revue médicale professionnelle Ärzteblatt, qui a publié l'an dernier une liste des expressions à bannir à l'usage des professionnels de la santé, parce qu'elles provoquent une incertitude, telles que «Peut-être que ce médicament pourrait vous aider», qu'elles sont soit négatives - «Vous êtes un patient à risques» - ou rabaissantes - «Vous n'avez pas besoin d'avoir peur» - ou encore à double sens, comme le terrible «Maintenant nous allons vous endormir, tout va être fini dans un instant» avant une opération...

Photo: Des médicaments de toute sorte. REUTERS/Jacky Naegelen
SLATE.FR

mardi 12 mars 2013

Nos vies, au-delà de l’espace
et du temps

Qui n’a jamais vécu une impression de déjà-vu, n’a jamais pressenti l’avenir, ne s’est jamais senti immédiatement connecté à un inconnu ? Au-delà des frontières spatio-temporelles, nos vies sont peut-être reliées, comme une mosaïque intelligente, à l’échelle de l’éternité…
Quoi de commun entre un avocat de l’Amérique esclavagiste et un gardien de chèvres d’un futur post-apocalyptique ? Entre une journaliste engagée des années 1970 et un clone du vingt-deuxième siècle ?
Dans Cloud Atlas, les créateurs de Matrix tissent six destins, en apparence parallèles… Et continuent d’explorer la possibilité d’une autre vision du monde. Sur cinq siècles, de naissances en renaissances, des êtres se croisent, des âmes se retrouvent, renouvellent leurs liens. Et font l’expérience du poids des actes sur le présent, le passé et l’avenir. Le choix est nôtre : répéter les mêmes erreurs d’une existence à l’autre ou tâcher de les corriger, par la force de la compassion et de l’amour ?
Adapté du roman de David Mitchell Cartographie des nuages, coécrit et coréalisé avec Tom Tykwer par Andy et Dana Wachowski, Cloud Atlas tisse le fil de ces correspondances qui « transcendent les frontières entre les communautés, les sexes, les lieux et le temps » et « placent la nature humaine bien au-delà de ces frontières », dit l’un des réalisateurs. Derrière les enveloppes, l’âme est une, l’identité polymorphe, la mort provisoire, le lien intime, la responsabilité partagée, la destinée commune. Une réflexion romanesque sur l’âme, la vie, et ce que l’on en fait.


samedi 9 mars 2013

CULTIVER NOTRE CHANCE.

© Kapouit

Peut-on cultiver notre « chance » ?

Alors que tout semble sourire à certains d’entre nous, d’autres ont l’impression d’essuyer échec sur échec et difficulté sur difficulté. Cependant, d’après Richard Wiseman dans « Comment mettre la chance de votre côté! », la chance pourrait en réalité être cultivée...

Les attentes que se font les chanceux et les malchanceux de l’avenir divergent de façon stupéfiante. Les chanceux sont convaincus qu’ils ne vivront que bonheur et succès, et les malchanceux qu’échec et malheur. Ce sont ces attentes qui expliquent en grande partie pourquoi les uns réalisent leurs rêves sans aucun mal alors que les autres n’obtiennent que fort rarement ce qu’ils désirent de la vie. Avant que je vous explique l’impact capital qu’elle exerce, il est important de comprendre le pourquoi de cette attitude des uns et des autres.


Imaginez qu’il y a quelques semaines, vous avez envoyé votre candidature pour un poste dont vous rêvez et que vous venez de recevoir une lettre de convocation à un entretien. Après l’avoir ouverte, vous réfléchissez pendant quelques instants aux probabilités d’obtenir ce job. Vous vous demandez si vous êtes capable d’anticiper les questions qu’on va vous poser et si vous allez bien vous tirer de l’entretien. Ces questions ne seront probablement pas très compliquées. Vous savez si vous êtes doué pour préparer les entretiens, si vous détenez les connaissances nécessaires à ce poste et si vous présentez bien. L’obtention de ce job dépend néanmoins de bien d’autres facteurs, beaucoup moins contrôlables. Un incident peut vous amener à arriver en retard à votre rendez-vous. Vous serez peut-être mal à l’aise parce que vous aurez été trempé par une averse subite. Vous ferez peut-être mauvaise impression en dérapant sur le tapis à votre entrée dans la pièce. Ce genre de petits ennuis relève de l’imprévisible. Il est impossible de savoir à l’avance s’ils arriveront ou non.
Imaginez à présent un monde dans lequel vous jouiriez d’une chance ou d’une malchance exceptionnelles. Si vous étiez chanceux, tous les évènements de ce type joueraient en votre faveur. Vous arriveriez à temps, le soleil brillerait et le tapis ne gondolerait pas. Si vous étiez malchanceux, les nuages d’orage s’amoncelleraient et les bords de tous les tapis se dresseraient contre vous. En fait, les issues négatives de ces évènements imprévus feraient partie des certitudes de votre vie.
Voilà l’une des raisons de la si grande divergence entre les attentes des chanceux et celles des malchanceux. Les premiers sont convaincus que ces évènements imprévisibles et incontrôlables leur seront toujours bénéfiques et les seconds du contraire. Or, comme nous l’avons vu au chapitre 2, la chance se manifeste dans tous les domaines de la vie. Il ne s’agit pas simplement d’être chanceux ou malchanceux quand on passe un entretien pour obtenir un emploi. La chance intervient aussi dans la santé, la carrière, le bien-être matériel. Les chanceux sont convaincus que le soleil brillera toujours pour eux alors que les malchanceux n’attendent que sombres nuages dans leurs vies professionnelle et privée.
Il y a une deuxième raison à ces divergences. La plupart des êtres humains ont tendance à baser leurs expectatives sur ce que leur a apporté le passé. Lorsqu’on a joui d’une bonne santé, on s’attend davantage à ne pas tomber malade. Lorsqu’on s’est bien tiré d’entretiens d’embauche, on se dit qu’il n’y a aucune raison pour en rater un. Chanceux et malchanceux pratiquent ce genre de raisonnement. Les premiers pensent que si leur vol était à l’heure par le passé, il le sera aussi à l’avenir. Les seconds se disent que s’ils ont échoué à un entretien d’embauche, ils vont réitérer leur échec. Cependant, que se passe-t-il quand les chanceux jouent de malchance et quand les malchanceux voient la chance leur sourire ? On peut imaginer qu’ils nourrissent alors des attentes un peu moins radicales à propos de l’avenir.
En fait, il n’en est rien. Car quelque chose de très étrange se produit alors. Les chanceux ne voient en un malheureux coup du sort qu’un événement passager. Ils s’en débarrassent d’un haussement d’épaules et ne le laissent pas influencer leurs attentes. Les malchanceux sont pour leur part convaincus que toute manifestation de la chance à leur égard ne peut être que temporaire et qu’elle sera bien vite suivie de leur déveine habituelle. (…)
En résumé, les chanceux et les malchanceux nourrissent des attentes très radicales à propos de leur avenir parce qu’ils estiment que la chance exerce une influence sur tout, y compris sur des évènements que la plupart d’entre nous considérons comme totalement imprévisibles. Les malchanceux sont également convaincus que chaque petite manifestation de chance ne dure pas plus longtemps qu’un clin d’œil et qu’ils vont vite retrouver leur vie terne et misérable. Les chanceux rejettent tous les mauvais coups du sort. A leurs yeux, il ne s’agit que d’évènements brefs et transitoires. Ce faisant, ils sont capables de continuer à attendre un avenir radieux. De manière générale, nos attentes exercent une forte influence sur notre mode de pensée, nos sentiments et nos actes. Elles peuvent agir sur notre santé, notre attitude à l’égard des autres et la manière dont les autres se conduisent envers nous. D’après mes recherches, les attentes des chanceux et des malchanceux ont un impact capital sur leur vie. La vision que se font les chanceux de l’avenir explique pourquoi ils parviennent beaucoup plus efficacement que la plupart d’entre nous à atteindre leurs rêves et leurs ambitions. De la même manière, celle des malchanceux explique pourquoi ils ont particulièrement de mal à obtenir ce qu’ils veulent de la vie. Tout se résume au fait que leurs attentes radicales à propos de l’avenir ont le pouvoir de se transformer en prophéties autoréalisatrices.
(Source : INREES)
Comment mettre la chance de votre côté !, Richard Wiseman
Dunod – InterEditions (Octobre 2012 ; 264 pages) 

vendredi 8 mars 2013

LÂCHER PRISE

Lâcher prise pour plus de sérénité

Dans notre monde d’aujourd’hui, nous menons généralement une vie pressée, avec toujours plus de choses à faire, et nous nous sentons souvent débordés, dépassés. Comment retrouver un peu de sérénité ? Dans
« Sérénité - 25 histoires d’équilibre intérieur », Christophe André nous donne une des clefs: le lâcher prise.

Aujourd’hui, lorsque tu es souffrant, tu commences par réagir en adulte : tu as d’abord tendance à considérer ta maladie comme un handicap qui t’empêche de vivre normalement, qui te prive de quelque chose, qui te rend inefficace. Tu as perdu ces capacités d’acceptation de l’enfance, qui te permettaient d’habiter ces instants d’apathie et de lâcher prise sans les juger négativement. Mais te remémorer tous ces souvenirs t’a fait plaisir, t’a fait sourire. Puis réfléchir. Du coup, tu t’es efforcé d’habiter ces heures alitées avec curiosité et acceptation. Tu as essayé de retrouver la sagesse et la paix de tes apathies fébriles du temps de l’enfance, leur saveur douce et apaisante. Tu as songé à ta difficulté à lâcher prise, à te laisser aller à ne rien faire. Il n’y a que la maladie qui arrive aujourd’hui à t’y contraindre. Tu savais que c’était une erreur, mais à cet instant, tu le sens dans ton corps : tu dois apprendre à lâcher prise même quand tu n’as pas 39°C de fièvre...


Nous nous épuisons souvent en voulant maîtriser le cours de notre vie. Parfois jusqu’à l’absurde. Sous l’emprise de nos états d’âme anxieux, nous avons souvent l’illusion que le contrôle est une solution efficace, une réponse aux aléas de l’existence, aux incertitudes de l’avenir. Mais le désir de tout placer sous contrôle a pour conséquence un sentiment épuisant de n’avoir jamais fini ce que l’on a à faire. On se condamne à être toujours débordé. Comme me le racontait un patient : « Un jour, j’ai compris que je ne m’en sortirais jamais. Que je ne pourrais plus continuer à faire face à tout. Alors j’ai pris la seule décision possible : ne plus chercher – justement à faire face à tout ! J’ai décidé que je devais apprendre à vivre au milieu de choses pas faites, et à accepter que je ne les ferai jamais. Au début, c’était dur : être assis sur le canapé en écoutant de la musique et voir tous les petits bricolages à faire dans la pièce ou penser par association à tous ceux à faire dans la maison, ou me dire à ce moment que je n’avais pas assez aidé mes enfants à mieux comprendre leurs maths... Tout ça me donnait envie de me relever, de me dire que je n’avais pas le droit d’être assis là tant que tout ça ne serait pas fini. C’est-à-dire jamais... Mais je me suis forcé : je me suis dit que j’avais le droit de me reposer un peu, même si je n’avais pas fini tout ce que j’avais à faire. Je suis donc resté assis de force dans mon canapé à écouter la musique. Peu à peu, je me suis détendu. Et j’ai continué comme ça pour plein de petits détails. Contrairement à mes prédictions d’avant, en lâchant prise de temps en temps, je ne suis devenu ni clochard ni laxiste. Juste un peu plus cool... »

Ah ! Les innombrables « missions à accomplir » de la pensée anxieuse ! Lorsque nous sommes anxieux, le monde n’est plus composé que de ces missions à accomplir. Du coup, vivre, tout simplement, devient un souci. Et se reposer ou ne rien faire, un péché. Si nous raisonnons ainsi : « Tu prendras le temps de te reposer, de te faire du bien, de te détendre seulement quand tu auras tout fini », alors nous transformerons notre vie en enfer, ou plutôt en bagne. Nous nous serons réduits nous-mêmes en esclavage.

Pas d’autre solution que d’accepter que le monde nous échappe. A cela, nous devons travailler inlassablement. Cela ne signifie pas qu’il faut se résoudre au chaos : souvent, les anxieux à qui vous faites des suggestions vont prendre vos conseils pour les amener à leur point extrême afin de vous démontrer que non seulement ils ne sont pas applicables mais même dangereux. « Lâcher prise ? Tu veux que je me foute de tout ? Tu veux que je ne m’occupe plus de rien ? D’accord, tu vas voir le résultat... » Non, il ne s’agit pas de passer d’un extrême à l’autre. Nous devons juste chercher un point médian, entre le trop et le trop peu ! Juste comprendre que nous ne sommes pas tout-puissants. Que le désordre et l’incertitude sont inhérents au monde vivant et mobile auquel nous appartenons. Que si on n’apprend pas à les tolérer, on va avoir une existence drôlement fatigante.

Nous avons aussi à accepter qu’il y a plein de choses que nous ne ferons jamais ici-bas. Des petites et des grandes. Depuis les albums photos que nous n’aurons jamais le temps de composer jusqu’aux pays où nous n’irons jamais... Petits deuils de notre toute-puissance, de nos appétits de vie. Triste ? Oui. Mais cette tristesse sera peut-être moins pénible et plus féconde que la tension des chimères (« tout faire ! ») que l’on couve avec énervement. En thérapie, je blague souvent mes patients à ce propos : « J’ai une bonne nouvelle : le monde sans souci dont vous rêvez existe. Et une mauvaise : ça s’appelle le Paradis et ce n’est pas pour tout de suite. En attendant, on va essayer de s’arranger avec ce monde-ci, qui s’appelle la Vie. » 
SOURCE INREES 
Sérénité : 25 histoires d'équilibre intérieur, Christophe André
Editions Odile Jacob (Septembre 2012 ; 158 pages)

mercredi 6 mars 2013

ÊTRE HEUREUX !

S’émerveiller,
une solution pour être heureux ?

Savez-vous que s’émerveiller est bon pour l’esprit, mais aussi pour la santé, et que cela nous permettrait de vivre plus longtemps ? Explications avec trois experts en la matière.
S’émerveiller : les enfants sont extraordinairement doués pour cette capacité. Les regarder s’extasier ou rire à la moindre occasion est un pur délice mais peut aussi nous procurer un brin de nostalgie. Car en grandissant, nous devenons souvent aveugles aux merveilles de la vie. Et pourtant, échanger un sourire, savourer le temps passé avec les êtres aimés, contempler un paysage, écouter le chant des oiseaux, déguster un bon plat… Les occasions au quotidien sont nombreuses.

L’émerveillement : de la quête à la conquête

Le philosophe et théologien Bertrand Vergely, auteur de Retour à l’émerveillement, nous déculpabilise et nous explique que l’émerveillement de l’adulte diffère de celui de l’enfant. Arrivé à un certain âge, l’insouciance est souvent derrière nous et la réalité, parfois difficile, face à nous. La capacité d’émerveillement est alors une quête : « il faut avoir lutté contre soi pour parvenir à cet émerveillement-là. Il faut avoir surmonté la tristesse, la lassitude, la révolte, le désespoir et donc, les avoir rencontrés. » précise-t-il. Une fois cette capacité retrouvée, alors « un miracle s’opère : la vie se met à parler. Comme pour les enfants, avec la même magie. Une magie toutefois enrichie par l’expérience de la vie » ajoute le philosophe. Car pour l’auteur, rien n’est plus important : « on peut être riche, si l’on ne sait pas s’émerveiller, on est pauvre. On passe à côté de l’essentiel, on manque la beauté du monde, la richesse des êtres humains, la profondeur de l’existence. » Pour lui, la vie est un miracle : « Nous devrions être conscients de l’extraordinaire fait de vivre. » Le mot « émerveillement » vient du terme « mirabilia », l’union du mot « miracle » et du verbe « admirer », rappelle l’auteur. Or, selon lui : « quand on prend le temps du regard et de l’admiration, on soigne son âme avant de libérer une véritable générosité. »

Les bienfaits de l’émerveillement sur la santé

Autre condition de l’émerveillement : aimer la vie. Bertrand Vergely estime qu’ « en devenant présent à notre existence, nous allons voir celle-ci dévoiler sa richesse à travers mille détails. » C’est le message que diffuse également Florence Servan-Schreiber, journaliste. Elle a participé à des « cours de bonheur » basés sur la psychologie positive et créés par Tal Ben-Shahar, docteur en psychologie et en philosophie. Un manifeste rédigé en 1998 décrit la « science du bonheur » comme « l’étude scientifique des forces et des qualités qui permettent aux individus et aux communautés de s’épanouir ». Après avoir expérimenté ce programme, Florence Servan-Schreiber a voulu partager son expérience, ses connaissances, et des outils à la portée de chacun, dans un livre intitulé « 3 kifs par jour et autres rituels recommandés par la science pour cultiver le bonheur ». Parmi eux, le carnet de kifs ou carnet de gratitude. Il s’agit d’annoter chaque soir, dans un cahier, juste avant de s’endormir, trois évènements de la journée pour lesquels nous aurions envie de dire Merci ! Un exercice qui nous invite à prendre conscience des trésors et des richesses que nous offre la vie. Pour Florence Servan-Schreiber : « La gratitude libère de l’envie : la reconnaissance de ce que j’ai m’exonère du désir d’autre chose. Cela nous permet de mieux vivre avec ce que l’on possède déjà et d’être plus généreux. Ressentir et exprimer sa reconnaissance est un formidable antidote contre les émotions négatives, l’hostilité, le tourment et l’irritation ». Des laboratoires étudient les bienfaits liés au sentiment de gratitude. Ainsi, d’après le professeur Robert Emmons, les personnes qui tiennent régulièrement un carnet de gratitude « ont gagné quelques heures de sommeil, s’endormaient plus vite, et se sentaient plus reposées au réveil ». rapporte Florence Servan-Schreiber. Mieux vaut donc compter ses kifs plutôt que les moutons en cas d’insomnie, suggère-t-elle avec humour dans son livre. Plus fort encore, être dans la gratitude ou l’émerveillement permettrait de vivre plus longtemps. Pour mener une telle étude, il faut pouvoir étudier un groupe de personnes ayant exactement le même mode de vie et vivant au même endroit. Les chercheurs ont ainsi examiné des lettres biographiques rédigées par les religieuses d’un couvent à l’âge de 20 ans, 40 ans et 70 ans. Des sémanticiens ont analysé la teneur du vocabulaire et quantifié les mots en lien avec les notions d’émerveillement, d’optimisme et de gratitude. Ils ont ensuite étudié leur état de santé. Ils se sont aperçus que les religieuses manifestant le plus cet état d’esprit positif à travers leurs lettres vivaient en moyenne sept années de plus que les autres. Cette étude a été réitérée dans des contextes plus courants et les résultats sont les mêmes. Ainsi, s’émerveiller serait bon pour la santé.

L’émerveillement et la science, une fenêtre sur l’infiniment grand

Il y a quelques années, Morvan Salez, ancien astrophysicien au centre national de la recherche scientifique (CNRS), écrivain et auteur-compositeur, travaillait à la NASA dans un centre construisant des sondes d’exploration du système solaire. Il venait d’achever la construction d’un instrument destiné à détecter un rayonnement électromagnétique venant d’objets du ciel, installé sur un télescope au sommet du volcan d’Hawaï. Lorsque celui-ci a émis un signal, l’astrophysicien a bien sûr ressenti une immense joie, mais surtout, il a mesuré, à cet instant précis, l’entière dimension de ce résultat. Des photons provenant d’une autre galaxie venaient de parcourir des millions d’années lumière dans l’espace avant d’être détectés par son appareil. « C’est comme si ce photon que je venais de détecter me reliait directement à cette galaxie, au-delà du temps et de l’espace. Et moi, petit humain, je me connectais à ça. C’était tellement fort que cela m’a quasiment mis dans un état de transe. » confie le chercheur. Les découvertes scientifiques mais aussi biologiques l’émerveillent tout autant que la nature de l’esprit humain ayant permis ces avancées. « Savoir que l’être humain est capable de sonder l’Univers à ses débuts est une source d’émerveillement en soi. » Pour celui qui cultive cet état d’esprit à chaque instant, « j’aimerais tellement que, grâce aux sciences, les gens puissent prendre conscience qu’ils font partie de ce tout et qu’ils ont la chance inouïe de vivre cette expérience. Cela changerait tellement leur façon de voir la vie, d’illuminer leur quotidien. »
SOURCE INREES 
 
Retour à l'émerveillement, Bertrand Vergely
Albin Michel (Septembre 2010 ; 326 pages)



3 kifs par jour, Florence Servan-Schreiber
Marabout (Février 2011 ; 318 pages)

samedi 2 mars 2013

Avant même de naître...

Sommes-nous capables de percevoir notre environnement avant la naissance ? Un bébé né grand prématuré montre des signes de non désir de vivre ; malgré un état médicalement stable, il faiblit. Mais une fois qu’on branche à sa couveuse une musique que sa mère écoutait quand elle était heureuse de le porter, son état s’améliore significativement. Cette anecdote, partagée par Patrice Van Eersel dans Mettre au monde, porte à interrogation...

© Agence France-Presse
Pendant les premières heures, l’état du bébé de 743 grammes reste satisfaisant. Mais quand le jour se lève, le monitoring sonne brusquement l’alerte. Revenus à la hâte au service de réanimation néonatale, le Dr Wilrek et Hugues, l’interne, constatent une brusque chute de tension. Pris dans ses tubulures et ses fils électriques, le petit est trop pâle. Pourtant, ni sa situation pulmonaire ni son état neurologique ne semblent s’être détériorés. Après avoir prescrit à l’infirmière de garde de rajouter un cocktail à base de vanille (qui améliore les capacités respiratoires) dans la perfusion du bébé, le pédiatre et son jeune collègue finissent par quitter la salle de réanimation avec une indéfinissable sensation de manque. Leur garde se termine. L’équipe du matin arrive. Sur la main courante, le Dr Wilrek écrit : « A 6h15, cet enfant semble avoir peu de désir de vivre. » (...)


Mais le lendemain soir, la situation du bébé de 743 grammes, qui n’en pèse plus à présent que 700, s’est réellement aggravée. On craint des séquelles irréversibles dans le système nerveux et les reins.

Cette fois, le pédiatre s’attarde plus longtemps auprès de la mère, à qui il pose quelques questions. L’histoire qu’elle raconte est tout à fait déprimante. Le père de l’enfant est parti sans laisser d’adresse, au cinquième mois de grossesse. D’une façon générale, l’existence de la jeune femme ressemble à un terrain vague. Quasiment pris de malaise, l’interne, qui est là aussi, tente de la dérider en lui lançant avec un grand sourire : « Quand même, il y a bien de moments de bonheur dans la vie, non ? Vous allez voir, il va s’en sortir, votre bébé ! » L’intéressée répond par une grimace en secouant la tête : non, elle n’a jamais connu le moindre bonheur. Son enfant ? A quoi bon naître dans la vallée des larmes ? Qu’on lui fiche la paix !

Le Dr Wilrek, qui s’apprêtait à sortir en se disant, découragé, que le non-désir de vivre de cet enfant n’était décidément pas étonnant, est soudain intrigué. Il revient sur ses pas et, à la surprise de Hugues, repose la question d’un ton particulièrement doux, comme s’il voulait se convaincre lui-même :
« Mais si madame, voyons, tout être humain a forcément traversé, à un moment ou un autre, des expériences heureuses. C’est obligé... Réfléchissez. Par exemple, quand vous avez attendu cet enfant, vous n’imaginiez pas le sourire qu’il vous ferait un jour ? Et son père... » (...)

Mais voilà qu’il sent un flottement. La femme, dans son lit, a changé de visage. Et dans un état à demi absent, elle lui dit :
« En fait, j’ai un bon souvenir. Je veux dire, avec lui, mon bébé. Et même avec son père. Ca remonte au début, quand j’ai appris que je l’attendais. J’étais folle, je ne réalisais pas. J’avais l’impression qu’on était déjà trois, que ça allait bien se passer. On dansait tous les jours, dans nos vingt mètres carrés. Ca n’a duré que quelques semaines. Après, il est parti sans prévenir et tout s’est écroulé. Je crois que je ne danserai plus jamais ! Rien que d’entendre cette musique dans ma tête, j’ai envie de mourir.
- Ah bon ? Quelle musique ? demande Wilrek (...)
« C’était Quelque chose de Tennessee. » (...)
- Ne le dites pas aux autres, j’ai tout Johnny Hallyday dans ma bagnole, grimace le pédiatre, qui poursuit en regardant la jeune mère : Vous voyez que vous en avez, des bons souvenirs, madame ! Et vous l’avez écoutée souvent, cette chanson ?
- Ca, c’est sûr. Jusqu’au début de mon quatrième mois de grossesse, je crois que je l’ai écoutée tous les jours. » (...)

Là-dessus, le Dr Wilrek disparaît... pour revenir six minutes plus tard avec un CD de Johnny Hallyday à la main : celui où figure Quelque chose de Tennessee. Puis, sous les yeux incrédules de son interne et de deux infirmières, il prend le vieux magnéto de la salle de garde et va l’installer à côté de la couveuse du bébé de 700 grammes. Avec du sparadrap chirurgical, il scotche ensuite les deux enceintes contre le cockpit, glisse son CD dans l’appareil et met en route la chanson numéro quatre.

Il est vingt et une heures trente-huit, quand, à l’étage d’obstétrique de l’hôpital V, l’une des cinquante et une couveuses se trouve arrosée par la voix rauque de celui que ses amis appellent « la bête ». Le volume est modéré, mais les basses passent bien. L’opération est répétée toutes les heures, jusqu’au lendemain, par les deux équipes de jour et de nuit, exceptionnellement bien disposées à l’égard d’une expérience excentrique, pour ne pas dire loufoque.

L’état du bébé de 700 grammes, stationnaire pendant la nuit, connaîtra une étonnante  amélioration à partir du milieu de la matinée.
Vingt-quatre heures plus tard, il sera définitivement sauvé.
Sans séquelles.
Légèrement romancée, cette histoire est rigoureusement vraie. SOURCE INREES
Merci Johnny.
Mettre au monde, Patrice van Eersel
Albin Michel (Mars 2008 ; 432 pages)

jeudi 28 février 2013

De conscience à conscience,
au-delà du handicap...

Une communication de conscience à conscience, qui transcende les limites du handicap, est-elle possible ? C’est la question que pose ce reportage de Patrice Van Eersel, dans un village bouleversé par l’expérience d’une jeune fille souffrant d’un handicap lourd.
Cet article est accessible dans son intégralité uniquement aux abonnés INREES
© Patrice Van Eersel
Bien avant la naissance de Lucile, Marie Hauser et Gilles Vialard savaient que leur enfant aurait des problèmes. Les échographies laissaient présager le pire. Et le pire se confirma : le 23 septembre 1996, la petite naquit microcéphale et quasiment aveugle. Les médecins prédirent qu’elle ne pourrait jamais communiquer avec autrui, vouée à une vie végétative. Les premiers temps, malgré leur angoisse, les parents de la nouveau-née réussirent à l’aimer autant qu’ils avaient aimé Maxime, leur aîné. Mais quand le bébé commença à grandir, ou plutôt à ne pas grandir, mais à se tordre de douleur et à crier, agité de soubresauts incompréhensibles, les malheureux crurent sombrer en enfer. Marie se sentait coupable, Gilles impuissant et Maxime abandonné. Pour ne pas devenir folle, Marie s’efforça d’entrer en fusion avec son enfant – tâchant de ressentir ses souffrances dans son propre corps. Elle entama aussi une thérapie transgénérationnelle qui lui fit du bien. Mais au bout de cinq ans, le désespoir semblait total. L’idée de placer Lucile dans une institution d’où elle ne sortirait jamais leur paraissait aussi insupportable que de poursuivre cette existence. Personne n’aurait parié lourd sur la durée de ce couple, ni sur sa santé mentale. Marie et Gilles étaient sur le point de se séparer, quand ils entendirent parler de la « communication facilitée ». En quelques mois, leur vie allait se métamorphoser…
Quand j’en parle avec eux onze ans plus tard, à l’été 2012, ils me disent des choses aussi incroyables que : « Nous ne regrettons pas que Lucile soit née ainsi. Elle nous a fait tellement grandir ! Sans elle, jamais nous n’aurions fait un pareil chemin vers la conscience. »Quant à Lucile, que je rencontre pour la seconde fois, elle m’accueille en disant : « Bonjour, je suis à la fois heureuse et intimidée de vous revoir. Et très impatiente de répondre à toutes vos questions. »
Pourtant, microcéphale, Lucile l’est et le sera toujours, à peu près incapable de prononcer un mot. Comment peut-elle donc me dire ça ?
Par l’intermédiaire d’un ordinateur. C’est Anne-Caroline, son accompagnatrice du jour, qui tape sur le clavier. Mais tout le monde est convaincu que c’est Lucile, jeune fille toute fragile, assise dans un fauteuil roulant, criant et parcourue de spasmes, qui s’exprime ainsi, et ajoute par exemple : « Microcéphale, j’ai été obligée de prendre appui dans mon coeur. Si ce que j’explore peut vous aider, je veux bien le partager. Cette danse est à la portée de tous. Mais beaucoup ne savent pas que le toucher peut dépasser le corps. »
Comment est-ce pensable ? De quoi parle-t-on ? Ne nage-t-on pas en plein délire ?

Aux antipodes

La première fois que j’ai entendu parler de cette méthode, c’était en 1996 – l’année de naissance de Lucile –, quand est paru dans la fameuse collection Réponses de Robert Laffont Je choisis ta main pour parler, d’une orthophoniste parisienne, Anne-Marguerite Vexiau. Une spécialiste connue, qui avait déjà soigné des centaines d’enfants handicapés en utilisant la technique mise au point, dans les années 70, par une pédagogue australienne du St Nicholas Hospital de Melbourne, Rosemary Crossley, docteure en philosophie, éducatrice et directrice du Dignity Education Language Center. J’ignorais que cette Australienne était déjà mondialement connue (portée aux nues ou éreintée) pour avoir mis au point ce qu’elle avait baptisé « Communication alternative augmentée » – ou plus simplement « Communication facilitée » (CF). Selon elle, et selon les milliers de thérapeutes qu’elle avait formés, la CF permettait à des personnes emprisonnées dans le silence d’un handicap rédhibitoire (des autistes notamment) d’entrer en contact avec le monde et de s’exprimer.
Selon Rosemary Crossley, tout serait parti d’une découverte fortuite. Un jour, raconte-t-elle, alors qu’elle cherchait à perfectionner la technique de communication classique, où l’on montre au patient muet différents pictogrammes sur un tableau désignant ses besoins de base (« Pipi », « Ça me gratte », « J’ai soif », etc.), elle se sentit soudain poussée par la main de l’enfant autiste, que, par affection, elle tenait dans la sienne. Cette impulsion se répéta. Intriguée, la pédagogue explora le phénomène avec d’autres enfants. Elle découvrit que, quand elle faisait le vide dans son esprit et se mettait « en résonance » avec son patient, la main de ce dernier, tenue par elle, se tendait vers certains dessins. Mieux, vers certains mots… qui s’agençaient en phrases sensées. Et pertinentes pour l’enfant concerné, délivrant des informations précieuses sur son état physique, émotionnel, mental.
En quelques années se dégagea une hypothèse extraordinaire. Une communication semblait vouloir s’établir entre les petits patients et leur thérapeute, sous la forme de phrases improbables mais justes. De qui venaient ces phrases ? De Rosemary Crossley elle-même ? Mais elle était la première stupéfaite, car ces mots disaient des choses qu’elle ignorait – souvent de façon raffinée – et prenaient sens quand on les rapportait à l’histoire du patient, quand bien même celui-ci se trouvait l’esprit « ailleurs », agité de soubresauts. Par exemple : « Je ne peux vous dire encore ce que je dois devenir, mais si on souhaite que je devienne quelque chose, ça me bloque. »Ou : « Je voudrais ne pas dire mes souffrances à mes parents, c’est folie de dire où j’ai mal, car votre coeur a tant saigné, j’en frémis. »
Ou encore : « Le bébé de Patrick est en train de naître, il ne sait pas s’il doit respirer pour vivre, je pars l’aider. »

Un « coming out » risqué

Vingt ans plus tard, quand paraît en France le livre d’Anne-Marguerite Vexiau, la CF est une méthode en plein boum. Il faut dire qu’entretemps la révolution informatique a boosté le processus. Désormais, un « facilitant » aide une personne « facilitée » à taper, sur le clavier d’un micro-ordinateur, des textes qui concernent cette dernière et aident le soignant à mieux l’assister. Rationnellement, la chose semble d’autant plus farfelue que, souvent, le facilité ne prête aucune attention à ce que fait sa main guidée par le facilitant. Et les critiques pleuvent contre ce que certains considèrent comme une illusion, pire une escroquerie (allez sur le web, les flèches abondent, souvent venimeuses). Mais l’efficacité de la méthode est telle qu’un nombre croissant de thérapeutes l’adoptent. Dont la Française Anne- Marguerite Vexiau…
Une femme passionnée, vouée corps et âme à ses dizaines de petits patients, dont les photos constellent le mur de son cabinet. Je la rencontre la première fois au Festival Tendresse de Gérald Pagès, à Avignon, le 7 juillet 2002. C’est là qu’elle fait un « coming out » fantastique, mais qui va lui coûter cher…
Après avoir montré au public du festival plusieurs vidéos, tournées en Australie et en France, l’orthophoniste explique qu’en réalité, il est inutile de tenir la main de la personne facilitée. Si ce geste a joué un rôle important dans l’invention de la méthode – quand Rosemary Crossley a senti l’« impulsion » de l’enfant handicapé –, dans la pratique il sert désormais surtout à faire accepter la méthode aux institutionnels, qui croient, ou font semblant de croire, que ce sont bien les patients qui tapent consciemment leurs messages sur le clavier – ce que notre société peut accepter. Alors qu’en fait, c’est le facilitant qui saisit le texte, dans une sorte d’écriture automatique, relié au patient facilité par télépathie – ce qui est scientifiquement inacceptable. Et Anne-Marguerite Vexiau nous montre des vidéos inédites, où on la voit taper sur un clavier des textes censés lui parvenir d’une personne – handicapée ou pas – se trouvant à l’autre bout de la pièce.
Dans le monde de la CF, c’est un choc. Pour ne pas gêner le réseau de Rosemary Crossley, l’orthophoniste annonce qu’elle inaugure sa propre méthode, baptisée psychophanie (du grec psyché, esprit, et phanein, se manifester).
Je passe des heures passionnantes avec Anne-Marguerite. D’abord, comme elle l’a vérifié auprès des centaines de personnes qu’elle a déjà formées, dont deux cents thérapeutes, si les messages concernent bien les facilités, leur vocabulaire vient toujours s’alimenter dans l’esprit des facilitants. Accompagné par des personnes différentes, un même enfant autiste, par exemple, exprimera les mêmes besoins, sentiments ou désirs, mais avec des mots différents. Cela pourrait s’expliquer scientifiquement : observée sous électroencéphalographe (ce qu’Anne-Marguerite n’a malheureusement eu l’occasion de faire qu’une fois, grâce à un neurologue allemand, le Pr Haffelder de Stuttgart), une séance de communication facilitée semble montrer que le facilité fait surtout marcher son cerveau droit (siège de la créativité), ainsi que son système limbique (siège des émotions), alors que le facilitant fait plutôt travailler son cerveau gauche (siège de l’analyse et du langage). « Autrement dit, s’exclame Anne-Marguerite Vexiau, tout se passe comme si l’inconscient du facilité venait puiser dans celui du facilitant, pour lui emprunter sa capacité langagière ! »Comment les cerveaux de deux personnes entrent-ils en résonance ? On ne sait pas encore, à l’époque, que nos cortex sont en relation résonnante les uns avec les autres (en « wi-fi », dira le psychologue Daniel Goleman en 2009), notamment grâce aux neurones miroirs, surtout dans le cadre d’une relation intense. Pour la thérapeute en tout cas, ces balbutiements ouvrent des perspectives grandioses.
La malheureuse ignore encore qu’elle va bientôt être condamnée par la communauté scientifique et le corps des orthophonistes pour hérésie et que, peu à peu, toute une part de sa clientèle (en particulier les enfants autistes) va lui être retirée. Son second livre, Un clavier pour tout dire, paraît certes cette même année (2002) – cette fois chez Desclée de Brouwer, dans la collection du grand psychanalyste transgénérationnel Didier Dumas, qui lui fait une préface enthousiaste. Pour lui, l’avènement de la psychophanie est « aussi important que les découvertes de Freud [et] prouve les thèses de Françoise Dolto sur la télépathie mère-enfant ». Mais cela ne change rien. Vilipendée, Anne-Marguerite Vexiau sera menacée de dépression grave. Terrible est souvent le sort des pionniers... Elle continue néanmoins à soigner, enseigner, militer, aider. Au printemps 2003, une femme désespérée, Marie Vialard-Hauser, l’appelle depuis Forcalquier, en Haute-Provence. Sa fille de six ans souffre de microcéphalie et la situation devient intenable. L’orthophoniste l’invite à venir la voir, avec son mari et sa fille, à Suresnes, en banlieue parisienne.

Dix années de miracle

Après avoir lu, d’un trait, en une nuit, Je choisis ta main pour parler, Marie pleure de bonheur. Et quand, montée à la capitale avec Gilles et Lucile, elle entend Anne-Marguerite Vexiau lire sur son écran ce que, dit-elle, vient de lui dicter la « conscience » de l’enfant, elle croit suffoquer de joie. On est le 7 juin 2003. Pour la première fois en près de sept ans, Lucile Vialard s’adresse verbalement à ses parents. Le message commence ainsi :« Va dire à papa et maman que j’aime Maxime et soeur car tu illumines ma vie. Faire attention à bien garder la vie de Lucile et faire une danse de vie avec moi.Tu rêves de danser très bien de taper mots avec famille. Bénéfice de taper avec famille, car je dis à ma jolie famille que je l’aime : je veux faire un cri de joie… »
Est-ce un rêve ? Un délire ? En tout cas, la joie est là. Et Lucile calmée comme jamais – ce qui conforte Marie et Gilles dans l’idée que quelque chose de vrai se produit. Mais une fois rentrés à Forcalquier, la situation empire. Comme si Lucile, ayant perçu une lumière, ne supporte plus sa prison. Une militante de l’association Ta main pour parler apprend alors aux parents affolés une nouvelle inespérée : ils peuvent se former eux-mêmes à la psychophanie. Car si cette forme de communication demeure mystérieuse, à la différence des approches « paranormales », toujours fragiles et aléatoires, elle présente l’avantage de pouvoir s’enseigner, puis de se pratiquer à volonté. La suite, Marie et Lucile la raconteront dans Tu nous as ouvert les yeux, autoédité sous le label L'Écrit du cœur.
Sitôt Marie et Gilles formés (vite, tant leur motivation est forte), la communication facilitée avec Lucile devient quotidienne. Les débuts sont hésitants. Il faut faire le vide, « se brancher » sur l’enfant, puis oser laisser les doigts courir sur le clavier. Les messages « de Lucile » sont parfois hallucinants de beauté – « Il y a mille mots pour un frisson, une seule mélodie y correspond. » Parfois rageurs – « Mais personne ne m’entend ou quoi ? » Le doute, évidemment, rôde. Plusieurs fois, ils manquent abandonner. Ne se sont-ils pas embarqués dans un truc malsain, une psychose de groupe ? Mais irrésistiblement, l’ambiance s’améliore. On recommence à respirer. Pourquoi arrêter ?
Et puis il y a les « validations » : de temps en temps, aux moments difficiles surtout, sort une information « objective ». Comme quand Lucile hurle de douleur des heures, sans qu’on n’y comprenne rien ; jusqu’au moment où son message explique sa douleur par une molaire en train de percer… ce qu’un dentiste réussit illico à arranger.

Une pratique qui s’étend à tous

En quelques années, la vie des Vialard-Hauser connaît la plus improbable des évolutions, les messages de Lucile les poussant à se dépasser eux-mêmes. Et ce dépassement touche beaucoup plus que leur famille. Au fil du temps, faisant appel à la fois à des institutions et à une association d’amis, Marie et Gilles vont s’ouvrir au monde, et d’abord à la ville de Forcalquier, où ils organisent des événements de sensibilisation au sort des gens atteints de handicaps – comme cette soirée « non voyante », que tous les participants sont invités à vivre les yeux bandés. Christophe Castaner, le maire de la ville, leur dira un jour : « Vous avez changé notre regard sur le handicap. »
Parlent-ils en public de la psychophanie ? Non parce qu’entretemps, ils ont rencontré Martine Garcin, une élève d’Anne-Marguerite Vexiau, qui a fondé sa propre école : la Communication profonde accompagnée (CPA), dont ils sont devenus des piliers – au point que Marie en a fait son métier. Parlent-ils de la CPA ? Ils ne s’en cachent pas et je rencontre de nombreuses personnes, à Forcalquier, qui la connaissent, voire la pratiquent pour eux-mêmes, en se faisant faciliter par Marie. Car avec le temps, les gens « normaux » de cette aventure se sont aperçus que les « handicapés » leur ont ouvert une voie géniale pour « dialoguer de soi à soi sans intellectualiser », comme dit Manu, le pizzaïolo qui installe sa fourgonnette en centre-ville le mercredi. Maryamé, qui tient le salon de thé bio, dit la même chose, en insistant : « Ça n’est pas un truc mystique. C’est une technique professionnelle, qui m’aide à libérer mon intuition, surtout quand je n’y arrive plus avec mes enfants. »
Tous me citent des validations qui les ont scotchés, venant d’eux-mêmes – quand un facilitant leur délivre ce qui est censé émaner de leur inconscient –, ou venant de Lucile… Car l’enfant, devenue une adolescente qui se présente elle-même comme « la tordue baveuse », peut plonger en vous de façon stupéfiante et vous balancer des vérités magnifiques. Contactés par CF ou CPA, tous les porteurs de handicaps vous scannent, paraît-il, de cette façon.
En dehors de ses parents, plusieurs personnes « accompagnent » Lucile à tour de rôle, formés à la CPA par Martine Garcin (en six sessions, sur deux ans). Toutes me racontent leur vécu singulier, éclairant quelquesunes des questions que je me pose avec perplexité. Aude, art-thérapeute lyonnaise, a pu accompagner par CPA son père dans ses derniers jours. Elle qui, au début, a mis des mois à « entendre », tape aujourd’hui à la vitesse d’une dactylo quand elle facilite quelqu’un – « mais je ne comprends les mots qu’après », précise-t-elle. Ce que dit aussi Sandra, une artiste qui maçonne des maisons en pisé et s’est mise à la pratique de la CPA sans formation – une exception – après s’être occupée de Lucile « au feeling ».
Anne-Caroline, elle, a quitté biologie et ethnologie pour devenir accompagnatrice professionnelle : « Six ans de psychanalyse ne m’avaient pas apporté ce qui a jailli de ma première séance de CPA. J’étais venue un peu au hasard... »Sa voix en tremble encore. Pour la première fois, un « soi » incontestable, propre, individué a parlé en elle, elle qui avait tant de mal jusque-là à distinguer ce qui venait d’elle de ce qui venait des autres.

Trois hypothèses à l’assaut du mystère

En conclusion, une question brute se pose, que le journaliste ne peut éviter. En « réalité », qui communique quoi à qui dans cette histoire ? Quelle preuve a-t-on que le message provient de la personne handicapée, et non d’un fantasme, d’une projection (bien compréhensible) de ceux qui aimeraient tant l'aider ?
D’abord une réponse personnelle. J’ai tenté l’expérience. Grâce à Marie Vialard-Hauser, avec mon plus jeune frère et ma soeur, nous sommes entrés en contact par CPA avec notre mère, que la maladie d’Alzheimer a rendue muette. Le fait que les mots jaillissent sur l’écran dans un français châtié, fort éloigné de celui de maman qui garda toujours ses tournures d’Allemande, eut d’abord pour effet de nous refroidir. Ce ne pouvait être elle qui s’exprimait ainsi ! Certes, à tête reposée, le contenu du message comportait de superbes correspondances avec elle, ou plutôt avec ce qu’il y avait de plus beau en elle. Il n’empêche : sans les deux ou trois validations dont le message était égrené, nous aurions persisté dans notre doute. Seulement voilà, d’où sortaient ces informations objectives, que la facilitante ne pouvait connaître ? Une preuve par neuf, autorisant, au moins, la mise en débat du phénomène.

Moyennant quoi, je vois trois niveaux d’explication possibles.
Le 1er niveau serait acceptable même par un sceptique absolu : cette technique agirait comme un placebo communicationnel systémique. Prenez le cas de Lucile : son handicap est resté le même. Ce qui a changé, c’est le regard que posent sur elle ses parents, son frère, sa soeur, leurs amis et une partie de la ville de Forcalquier. Ce changement de regard peut suffire à expliquer beaucoup de choses… Sauf les validations. Sauf la beauté poétique et la pertinence existentielle des informations. Comment expliquer ça ?
Le 2ème niveau d’explication, plus psychanalytique, serait l’idée d’une résonance d’inconscient à inconscient. Le facilitant ne sait pas quel processus l’habite quand, après avoir fait le vide et être entré en résonance avec le facilité, il se met en écriture automatique… Reste un hic : comment un être écrabouillé par le handicap peut-il avoir développé un inconscient si raffiné ?
Le 3ème niveau fait entrer en jeu une instance spirituelle : l’âme, que certains appelleraient le Soi. Ce qui s’exprimerait à travers les murailles du handicap, de la psychose, de l’autisme, du gâtisme, voire du coma (mais le phénomène vaut évidemment aussi pour une personne valide), ce serait une partie de l’humain que les circonstances ne peuvent atteindre, qui resterait toujours calme et rayonnante. Cette part immortelle, diraient les croyants. Marie et Gilles m’avouent qu’aujourd’hui ils comprennent ce que dit le chrétien Jean Vannier, fondateur de L’Arche où l’on s’occupe d’adultes handicapés lourds, quand il affirme que chacun de ces derniers est un maître spirituel. Sans la CF, cette affirmation leur aurait semblé non seulement fausse, mais cruelle.
Entre ces trois niveaux, je suis personnellement incapable de trancher. Sans doute coexistent-ils, à cheval entre le temps et le hors temps. Une chose est cependant certaine : en empruntant cette voie, Gilles, Marie et leurs enfants – Maxime, Lucile, Emma – ont réussi à métamorphoser un enfer marécageux en ascension exaltante. Et nous en profitons. La réalité est bien plus folle que la fiction.
SOURCE INRESS

L'auteur de l'article


mercredi 27 février 2013

Des plantes qui enseignent aux humains

Les plantes peuvent être une source d'apaisement, de tranquillité, de bien-être. De là à leur « parler », il n'y a qu'un pas que les chamanes amazoniens ont franchi il y a fort longtemps.

« Ce sont les plantes elles-mêmes qui me communiquent directement leurs propriétés thérapeutiques. » C’est ce que les chamanes de la forêt amazonienne ont répondu à Jeremy Narby lorsque à plusieurs reprises au cours de ses enquêtes, l’anthropologue les a questionnés sur l’origine de leur savoir. Selon les chamanes amazoniens, ce type de communication n’a rien d’extraordinaire. Ils affirment tirer tout leur savoir de la nature elle-même, en particulier du règne végétal. Les plantes seraient des enseignants qui leur transmettraient toute leur science... « Pour les peuples de la forêt amazonienne, c’est comme si le monde végétal était une université et chaque plante une sorte de professeur », explique Jeremy Narby.


Mais comment ces plantes peuvent-elles devenir des enseignants ? Il faut les « boire » sous forme de décoction, répondent les chamanes. « Une fois ingérées », précise l’anthropologue, auteur du livre Le Serpent cosmique, « toutes ces plantes ont un impact sur les rêves. C’est ainsi qu’elles apportent un enseignement. Pour apprendre d’un grand arbre ou d’une plante, on dit qu’on le ou la « diète ». Autrement dit, il s’agit d'être attentif à l’impact que l’ingestion va avoir sur les rêves. En effet, ces plantes permettent à l’individu qui les ingère de « voir » la cause d’une maladie, le problème dans une situation, ou de recevoir toute autre information. Jeremy Narby cite l’anthropologue Jean-Pierre Chaumeil qui écrit : « Selon les chamanes Yagua du Nord-Est péruvien, toute la démarche chamanique consiste à « voir ». Ce que l’on voit amène au savoir. Ce savoir peut alors donner du pouvoir. Il n’y aurait pas de limites à ce qu’on peut voir et donc apprendre des plantes. »

Les plantes sont-elles toutes en mesure de communiquer ? « Les Shipibo, un peuple originaire du Pérou, disent que la plupart des plantes médicinales communiquent avec les hommes. Il y a un certain nombre de plantes qui ne communiquent pas car n’étant pas comestibles et n’ayant pas d’effets thérapeutiques, elles sont inintéressantes pour l’être humain », explique Aziz Khazrai, chirurgien français et expert en médecine amazonienne. Certaines plantes seraient donc « bavardes » tandis que d’autres resteraient « muettes ».

Guillermo Arevalo Valera, chamane descendant d’une longue tradition de guérisseurs Shipibo-Conibo, commente cette différence : « Une plante qui enseigne, c’est une plante qui va nous apprendre à vivre sur la terre, à nous occuper de notre prochain et à le respecter, tout simplement à être humain. Nous cherchons à apprendre de la plante et à partager ce savoir avec les êtres humains. Ici en Amazonie, nous respectons énormément la nature. » Et il poursuit : « Les plantes médicinales ont seulement les principes actifs, les plantes « maestras » (celles qui enseignent) ont les principes actifs ainsi que de l’énergie et de l’esprit. » Dans cette terminologie, la « plante qui enseigne » a, en plus de ses vertus médicinales, des propriétés qui permettent de guérir des maladies psychiques : elle aide surtout sur le plan psychologique et spirituel. « Cette plante agit sur la partie physique, psychologique et au niveau de l’âme. Elle commence par provoquer des sensations physiques. Pendant le sommeil, elle peut provoquer des rêves liés à la guérison qu’elle effectue. L’esprit de la plante peut nous guider sur ce que l’on doit faire pendant le traitement, concernant par exemple la nourriture que l'on doit manger. L’esprit de la plante reste en communication avec nous. »

À l’appui de ces propos, on ne peut qu’être frappé par le degré de complexité et d’élaboration de certains mélanges. Comme le souligne Jeremy Narby, il est difficile d’imaginer que certaines préparations puissent être le fruit d’une expérience acquise suite à des erreurs successives.

Le docteur Aziz Khazrai explique que les chamanes d’Amazonie ont su construire quelque chose de cohérent et de pertinent à partir du « discours » des plantes reçu lors des transes. « Personnellement, j’ai découvert une véritable médecine qui repose sur un corpus de connaissances théoriques du fonctionnement du corps humain, du psychisme, des perceptions sensorielles, de l’esprit. Les chamanes sont en mesure de faire des diagnostics médicaux et d’obtenir des connaissances botaniques et pharmacologiques de leur environnement. Un grand nombre de médicaments actuels sont issus de la pharmacopée amazonienne ! Les laboratoires envoient d’ailleurs des gens sur place pour enquêter sur les plantes utilisées par les Indiens. Cela montre l’intérêt de cette médecine, aussi vaste que celle que j’ai apprise à l’université. Mais son originalité majeure est qu’elle ne s’apprend pas dans les livres ou par transmission orale, mais directement des plantes médicinales elles-mêmes par des techniques connues des chamanes. »

Francis Hallé, botaniste, professeur à l’Institut de botanique de l’université de Montpellier et spécialiste des Tropiques, a dirigé les missions du célèbre Radeau des cimes (expéditions scientifiques en 1986 visant à explorer la canopée des forêts tropicales). Il s’interroge sur le crédit qu’on peut accorder à des gens qui considèrent les plantes comme des personnes : « En Europe, ces idées-là choquent ; mais qui faut-il croire, de l’Occidental qui nie la personnalité des plantes sans jamais leur avoir accordé beaucoup d'attention, ou du guérisseur, qui passe sa vie entière au contact des flores les plus riches du monde, pénétrant l’intimité de milliers de plantes, et devenant ainsi, plus que leur familier, un véritable complice ? »

Il est indéniable que les chamanes de la forêt amazonienne détiennent une connaissance impressionnante du monde végétal qui les entoure. Ce qui est encore plus étonnant, c’est qu’ils l’ont acquise dans un milieu très diversifié. 74 % des remèdes ou des substances d’origine végétale utilisés dans la pharmacopée moderne ont été découverts en premier lieu par les sociétés « traditionnelles ». À ce jour, 2 % de toutes les espèces végétales ont subi des tests scientifiques complets en laboratoire. La grande majorité des 98 % restants se trouve dans les forêts tropicales, là où est concentrée la plus grande biodiversité. L’Amazonie contient plus de la moitié des variétés de plantes du monde. « Les scientifiques ont répertorié en Amazonie péruvienne plus d’espèces de fourmis sur un seul tronc d’arbre que dans toutes les îles britanniques, plus d’espèces d’arbres sur un hectare que sur tout le continent européen... »

Jean-Marie Pelt est pharmacien agrégé et botaniste, professeur universitaire de biologie végétale et botanique, auteur de nombreux ouvrages et d’émissions télévisées. Cet écologiste a participé à de nombreuses missions scientifiques et a fondé l’Institut européen d’écologie à Metz. Lui qui étudie les plantes depuis de très nombreuses années et toujours avec le même enthousiasme, ne trouve pas incongrue la démarche des peuples amazoniens : « Les gens d’Amazonie ne voient pas de hiérarchie entre nous, les plantes et les animaux car ils ont une relation fusionnelle avec la nature. Ils voient dans la nature la présence d’esprits. Les plantes ont un esprit, nous dirions peut-être une âme... Ils ont par instinct le sens d'une interrelation étroite entre tous les êtres vivants. Tout est sacré ! Lorsqu’on touche une plante, on lui parle, quand on la coupe, on lui demande pardon, on la remercie pour les services qu’elle va nous rendre... Il y a un contact qui s’élabore comme avec une personne. Une plante ou un animal sont une sorte de personne. Nous avions cette vision il y a très longtemps. Nous avons perdu tout cela par l’approche purement objective et matérielle. Nous sommes maintenant dans des sociétés très matérialistes qui ont rompu leurs liens avec la nature, ce qui nous amène à la crise écologique. » Reste à savoir s’il y aura un jour, comme l’espère Jeremy Narby, « un terrain d’entente entre savoir indigène et science occidentale ». SOURCE INREES
Eloge de la plante, Francis Hallé
Éditions du Seuil - Librairie La Martinière (Octobre 2004 ; 346 pages)



Le serpent cosmique, Jeremy Narby
GEORG éditeur (Juillet 1997 ; 236 pages)

NOTRE HISTOIRE


lundi 25 février 2013

CARLOS CASTANEDA

Castaneda :
mythe ou réalité(s) ?

Pour qui s’intéresse, même de loin, au chamanisme, le nom de Castaneda sonne comme une légende. La promesse de visions extraordinaires, de pouvoirs étonnants, d’accès à d’autres réalités. Mythique et controversé, le personnage a de quoi intriguer... Quel est son apport ? Faut-il suivre sa voie ?
Tomber sur un livre de Castaneda n’est pas anodin. Des histoires de plantes savantes, de coyotes qui parlent, de métamorphoses en corbeau, de boules d’énergie ou de sorciers capables de se dédoubler, qui seraient le compte-rendu de son apprentissage auprès d’un chamane amérindien du nom de Don Juan Matus. « La nuit où tu as rencontré le papillon tu as eu, comme je l’avais prévu, un véritable rendez-vous avec la connaissance, lui aurait dit par exemple celui-ci. Tu as appris l’appel du papillon, tu as senti la poudre dorée de ses ailes, mais surtout, cette nuit-là, pour la première fois, tu as pris conscience de ”voir” et ton corps a appris que nous sommes des êtres lumineux »

L’histoire commence en 1968 lorsque Carlos Castaneda, étudiant en anthropologie, péruvien installé en Californie depuis 1951, relate dans L’herbe du diable et la petite fumée son initiation au secret d’un monde situé au-delà des limites de la perception ordinaire. Pour une génération étriquée dans la société de consommation, pour ceux qui s’interrogent sur la pertinence d’un ancrage purement matérialiste, c’est une bouffée d’air.
Les ventes s’emballent, d’autres ouvrages suivent : Voir, Le voyage à Ixtlan, Histoires de pouvoir… Anaïs Nin et Alejandro Jodorowsky adorent, John Lennon et Jim Morrison aussi. Fellini envisage de l’adapter au cinéma, Oliver Stone nomme Ixtlan Films sa maison de production. En France, ses livres sont d’abord édités par les surréalistes. De l’avis général, les quatre premiers sont d’anthologie.

Mythe ou réalité ?

Au fil des écrits, pourtant, un mystère se profile : Don Juan a-t-il vraiment existé ? L’auteur a-t-il réellement reçu cet enseignement ou l’a-t-il inventé, au gré de rencontres, de lectures et d’emprunts divers ? Castaneda affirme que tout est vrai, mais refuse mordicus de donner des détails.
Pour les anthropologues qui se penchent sur son œuvre, ça sent le bidonnage : trop de contradictions, d’invraisemblances, d’imprécisions. « Selon certains chercheurs, il aurait tout pompé sur des pionniers comme Weston La Barre, Robert Gordon Wasson ou Timothy Leary », indique le chamane Laurent Huguelit dans Le chamane & le psy. Auteur de Carlos Castaneda, la vérité du mensonge, Christophe Bourseiller évoque l’influence d’Allan Watts, des Portes de la perception d’Aldous Huxley, des sagesses grecques, soufies, zen, yogi… Une sorte de « mélange revisité à sa sauce », dit Laurent Huguelit.

C’est grave, docteur ? Non, affirme Christophe Bourseiller. Car si le Péruvien était un « baratineur invétéré depuis l’enfance », ses livres, qu’ils soient le fruit d’une imagination virtuose, d’une connexion innée à d’autres mondes, d’un trip sous psychotrope, d’un savoir ancestral ou d’un pillage documentaire, ouvrent des horizons.
« Lorsque Vincent Cassel m'a offert L’herbe du diable et la petite fumée, j'étais dans l'étude des spiritualités d'Orient, raconte le cinéaste Jan Kounen. J'ai tout de suite été fasciné par l'approche de Castaneda. Après sa lecture, je me suis intéressé au chamanisme mexicain et amazonien. S’il n’a jamais croisé Don Juan, cela fait de lui le plus grand écrivain du siècle ! Je préfère croire qu'il a tout vécu, il reste ainsi plus abordable. Peut-être a-t-il arrangé ou encodé certaines parties de son histoire. Après tout, comme dit Gandalf à Bilbo dans Le Hobbit, toute belle histoire mérite quelques embellissements. Pour ma part, ce que j’ai vécu en Amazonie est suffisamment surnaturel pour croire à l’essence de ses récits. »
Sans verser dans l’ésotérisme, Christophe Bourseiller n’en admire pas moins la force de l’œuvre de Castaneda, « à la confluence d’une certaine mystique, d’un regard philosophique et d’une fulgurance poétique », ainsi que sa capacité à bousculer. « A la manière d’un René Char ou d’un Edmond Jabès, il n’est pas juste un grand écrivain, mais un grand penseur. La poésie ne ment pas. Les mondes symboliques aussi, sont opérants pour éclairer nos vies. »

La force du conteur

D’où Castaneda tire-t-il son intensité de vision ? L’énigme reste entière. Mais une chose est sûre : par son talent littéraire, il a su attirer un public qui n’aurait jamais lu un ouvrage d’anthropologie. « A son époque, la société occidentale avait de gros préjugés sur les chamanes, rappelle l’anthropologue Jeremy Narby. Il y avait besoin d’un raconteur d’histoires pour la sortir de sa torpeur, démocratiser l’accès aux cultures indigènes et montrer tout ce qu’elles ont à nous apporter. »
Ces peuples marchent peut-être pieds nus, ils racontent peut-être « des choses à coucher dehors », mais « c’est peut-être nous qui sommes limités, plutôt qu’eux qui disent des absurdités ! poursuit Jeremy Narby. Castaneda m’a donné envie de partir à leur rencontre en leur témoignant écoute et respect, sans tricher. Le monde a besoin d’une anthropologie accessible, qui lui permette de se comprendre dans sa diversité. »

Et pour le coup, Castaneda met le paquet. Exit les frontières matérielles et spatio-temporelles, l’écrivain appelle à s’extirper de nos conditionnements sociaux et de nos préjugés pour s’ouvrir à l’inconnu. Tantôt inspirant, quand il parle d’immensité de l’esprit ou dit que tout est énergie. Stimulant, quand il laisse entendre que nous avons en nous la faculté de percevoir cette intelligence invisible et d’y participer. Voire perturbant, quand il décrit des concepts ou des visions qui peuvent sembler délirants…
« L’apport de Carlos a été important, notamment par l’introduction des notions de réalités ordinaires et non-ordinaires », indique l’anthropologue Michael Harner, grand spécialiste du chamanisme, dans le livre Higher Wisdom : Eminent Elders. Dans Psychothérapie et Chamanisme, le psychiatre Olivier Chambon souligne la pertinence des concepts de “stopper le monde”, de “voir”, de “seconde attention”… Autant d’invitations à faire taire les pensées, porter sur les choses un œil neuf, prendre conscience du moment, apprendre à remarquer les accords et les présages, bref se distancier du fonctionnement habituel de notre être pour se reconnecter à des facettes occultées, plus sensibles à la magie de la nature et à ces petites extravagances qui font le sel de la vie.
Jusqu’à atteindre, peut-être, des rivages extraordinaires. Car pour qui s’est déjà frotté au voyage chamanique, les écrits de Castaneda ont de quoi résonner. « En le relisant, après mes épisodes amazoniens, j’ai trouvé certains passages tellement justes », témoigne Jan Kounen. Un coyote qui parle, un papillon qui a des choses à nous apprendre ? Pourquoi pas ! Un sorcier qui disparaît et apparaît à volonté, des rencontres d’âme à âme dans l’au-delà ? Ok ! Et s’il s’agissait d’une réalité non matérielle, accessible dans un état modifié de conscience ? En ce sens, « Don Juan peut être un guide de l’autre monde, pas forcément un être en chair et en os, souligne Laurent Huguelit. Tout est possible, tout est réel dans l’expérience chamanique. »

Histoires de pouvoir

Attention toutefois à ne pas y chercher de recette miracle. En Kerouac de l’aventure spirituelle, Castaneda en donne une image spectaculaire et rock’n’roll, à manier avec circonspection. « Ses livres peuvent être durs à décoder, convient Olivier Chambon. Si l’on n’est pas déjà un peu initié, on risque de se perdre, de se laisser entraîner sur de mauvaises voies. »
Jan Kounen confirme : « Ses écrits participent à l’acte nécessaire de déconstruire le réel ; en ce sens, ils sont recommandables. En revanche, je ne conseille pas la mise en pratique en solitaire de son enseignement. Mieux vaut être en relation avec un être dépositaire d’une connaissance – quelle qu’elle soit. Sinon, on peut vite partir en sucette en jouant mentalement avec des concepts sans les intégrer pleinement. »

Sous la plume de Castaneda, Don Juan donne des clés, montre des portes. A chacun, ensuite, de les pousser. Sans les forcer. « Dès le moment où j’ai commencé à pratiquer, je n’ai plus ressenti le besoin de lire ce genre de livres, qui peuvent devenir des parasites mentaux et nous empêcher de trouver notre propre voie », témoigne Laurent Huguelit. Il n’y a pas qu’un chemin pour accéder à la connaissance ; à chacun de trouver celui qui lui convient.
En se méfiant notamment des mirages de la sorcellerie et du pouvoir. « Beaucoup de gens pensent que c’est ça, le chamanisme », commente Laurent Huguelit – alors que dans les cultures traditionnelles, c’est avant tout l’art de guérir par l’entremise des forces spirituelles. « Dans le chamanisme tel que je le pratique, le pouvoir ne fait que nous traverser, nous ne l’accumulons pas ; il ne nous appartient pas ».

Pour autant, Jeremy Narby trouve franche et utile cette exploration du côté sombre. « Les états modifiés de conscience ne mènent pas qu’à la lumière et la bonté, rappelle l’anthropologue. Castaneda parle ainsi beaucoup de datura, une plante dangereuse, dotée d’une part d’ombre considérable. Par ce biais, il apporte une réflexion intéressante sur la dualité du pouvoir. Celui-ci est partout : dans le chamanisme, la politique, le capitalisme… On considère que c’est bien d’en avoir, mais on a vite tendance à en abuser. »
Pourquoi veut-on en acquérir : pour briller aux yeux du monde ou tâcher de le rendre meilleur ? « Nos sociétés ne s’interrogent pas assez à ce sujet. »

Lâcher l’ego

Comment éviter de se fourvoyer ? Par le travail, d’abord. « Ce qui m’a marqué dans Castaneda, c'est le chemin, l'intégrité, le déconditionnement, l'impeccabilité, l’effort de récapitulation », dit Jan Kounen. « Il montre que la découverte de la nature de la réalité demande une grande discipline », confirme Olivier Chambon.
Une « ascèse » qui va de pair avec la dissolution de l’ego : impossible de se prendre pour un cador quand on se rend compte que la route est longue, et qu’on est l’infime maillon d’un infini bien plus puissant. « Aussi longtemps que tu te croiras important, tu ne pourras pas apprécier le monde qui t’entoure, révèle Don Juan à Carlos. Tu seras comme un cheval avec des œillères, tu ne verras que toi séparé du reste », et non la complicité malicieuse qui nous unit à l’univers, et ne peut que nous inciter à ne pas nous prendre trop au sérieux.
« L’humour est une clé importante pour comprendre Castaneda », confirme Jeremy Narby. En fou du roi subversif et facétieux, Don Juan ne cesse ainsi de se jouer de la réalité et d’agiter sous le nez de son élève – et du nôtre – les failles et faux-semblants de notre société.

Est-ce pour cette raison que l’écrivain s’est ingénié à fuir les interviews et brouiller les pistes sur son histoire personnelle ? Avant même d’écrire son premier livre, cet « apôtre de la transgression, destructeur acharné des cadres préétablis » – dixit Christophe Bourseiller – mentait déjà sur son parcours et son identité…
Hélas, ça ne l’a pas empêché, dans les dernières années de sa vie, d’oublier que « le chemin doit avoir du cœur » (selon les mots de Don Juan) et de laisser son ego se dorer au soleil du succès, en devenant le gourou d’un groupe d’adeptes prêts à payer grassement ses séminaires et à accepter qu’ils les malmènent. Un gourou aussi charismatique que cynique, séducteur que tyrannique, désormais « plus proche du Don Juan de Molière que de celui du désert », note Christophe Bourseiller.

Un homme, au fond, à l’image du monde : subjuguant de complexité, avec ses parts d’ombre et de lumière, d’exubérances et de mystères, qui mérite qu’on aille explorer, au-delà des apparences, ce que ses multiples facettes ont à nous enseigner.
« Castaneda était un éveilleur », conclut Christophe Bourseiller. De ceux qui vous secouent « comme un prunier, à l’endroit, à l’envers », au risque de vous faire autant de mal que de bien, selon la manière dont vous les abordez. Vous voilà prévenus. Maintenant, à vous de “voir” ! 
SOURCE INREES
Carlos Castaneda : La vérité du mensonge, Christophe Bourseiller
Editions du Rocher (Février 2005 ; 264 pages)



L'Herbe du diable et la Petite Fumée, Carlos Castaneda
Christian Bourgois (Novembre 2002 ; 260 pages)



Le Voyage à Ixtlan, Carlos Castaneda
Éditions Gallimard (1988 ; 340 pages)



Histoires de pouvoir, Carlos Castaneda
Éditions Gallimard (Octobre 1993 ; 386 pages)