Médiums : Enquête & témoignages
Matt Damon livre de son côté : « George est un personnage profondément solitaire. Sa vie a radicalement changé en l’espace de trois ans, du fait de sa capacité à entrer en relation avec des personnes disparues. Il ressent cela comme une malédiction plutôt que comme un cadeau, car cela l’empêche d’entretenir quelque relation intime que ce soit. »
Quelle est la part de réalité et celle de la fiction dans le scénario écrit par Peter Morgan ? Rien qu’en Occident, des milliers de femmes et d’hommes utilisent professionnellement cette capacité si particulière de « communiquer avec l’au-delà ». Des millions de gens les consultent, peu en parlent. Alors, don ou malédiction ? Sacerdoce ou illusion ? S’agit-il d’un phénomène de société que l’on pourrait réduire à une sorte d’escroquerie, inconsciente de la part de certains médiums, tout à fait consciente pour d’autres ? Est-on devant une illusion collective ? Une forme d’auto-conviction de la part de personnes incapables de surmonter la réalité d’un deuil ? Ou s’agit-il de réelles communications avec l’au-delà ? L’intelligence du film de Clint Eastwood est de ne pas se prononcer, mais de nous permettre de prendre la mesure sereinement, et pleinement, de toute l’étendue du mystère. Et il est vaste ce mystère, car, on le découvre, aucune explication conventionnelle ne permet « d’expliquer » de façon satisfaisante ce phénomène de la médiumnité. Le film ne passe pas sous silence les abus de ces pratiques. Il montre qu’il y a des charlatans, des personnes qui exploitent la détresse humaine - c’est une réalité - cependant Clint Eastwood a choisi de raconter l’histoire d’un homme que tout oppose à ces êtres peu scrupuleux. Une personne véritablement dotée d’une capacité extraordinaire, comme il en existe de très nombreuses, et qui a conscience, à la fois du caractère inexpliqué de ses capacités, mais aussi de ses propres limites. Et c’est cela qui fait de Au-delà un film à la fois bouleversant et authentique.
La science et les médiums
Le médium joué par Matt Damon se connecte aux défunts en prenant les mains des personnes qui souhaitent communiquer avec leurs proches disparus. Instantanément, il obtient des informations, parfois intimes, sur une personne qu’il rencontre pour la première fois de sa vie. Et effectivement, c’est là un des points les plus mystérieux de la médiumnité : lorsque le médium se retrouve devant un client qu’il ne connaît pas, qu’il voit en général pour la première fois, il est capable de lui livrer un nombre plus ou moins important d’informations factuelles, en disant les obtenir de personnes défuntes. La question est : d’où proviennent ces informations ? Des recherches sont menées depuis plusieurs décennies sur le sujet, notamment par des chercheurs comme Gary E. Schwartz, ou Julie Beischel du Windbridge Institute (voir 2E Magazine n°7). Ces recherches consistent à mesurer la nature des informations que sont capables d’obtenir des médiums lors des protocoles rigoureusement contrôlés. Les possibilités « conventionnelles » d’obtenir des informations sur une personne que l’on ne connaît pas sont en premier lieu la fraude ou la supercherie : le médium aurait acquis des informations sur le sujet cible, ou la personne décédée, au préalable. La chercheuse Julie Beischel explique que son protocole de recherche élimine cette possibilité puisque le médium n’a que le prénom de la personne décédée durant toute la durée de l’expérience. Une autre explication conventionnelle — explique-t-elle — est la « lecture à froid », lorsque le médium utilise les indications visuelles ou auditives qu’il perçoit du client afin de présenter des informations qui lui correspondent. Dans les expériences que mène Julie Beischel, la personne qui joue le rôle du client n’est pas physiquement présente dans la même pièce que le médium. Enfin, la personne qui conduit l’expérience ignore également tout du sujet ou des défunts potentiels. Dernière explication possible : l’information fournie par le médium serait si générale qu’elle pourrait s’appliquer à tout le monde. Pour éliminer cette dernière possibilité, Julie Beischel demande au médium de répondre à quatre questions spécifiques sur la personne décédée : description physique, personnalité, passe-temps ou activités et cause de la mort. Les résultats obtenus lors de nombreuses expérimentations successives permettent d’écarter définitivement les explications conventionnelles telles que la fraude, le questionnement directif ou la suggestibilité. Avec ces protocoles, les chercheurs comme Julie Beischel ou Gary Schwartz ont éliminé toute les explications conventionnelles. On ne sait pas comment les médiums obtiennent des informations sur des vivants et des défunts dont ils ignorent tout ! Les chercheurs se retrouvent alors avec uniquement deux hypothèses permettant de rendre compte des résultats obtenus : soit les médiums communiquent vraiment avec des défunts, soit il s’agit d’une forme de télépathie, et cette explication est déjà en soi assez extraordinaire. Selon cette hypothèse, le médium serait capable de « lire » dans l’esprit de la personne qui vient le voir. Il ne parlerait pas à un esprit mais obtiendrait des informations en allant les « piocher » dans la tête de la personne en face de lui, qui elle, les connaît.Toutefois, il ressort que cette forme de télépathie est un acte passif, dans ce cas de figure le médium reçoit des images, des flashs. Or, dans les prétendues communications avec des défunts les médiums parlent de véritables conversations interactives. Plus déterminant encore, dans bien des cas les informations livrées par le médium sont inconnues de la personne qui se prête à l’expérience en tant que client. Comme Gary Schwartz le précise : « Souvent, nous obtenons des personnes que le sujet connaît mais n’attendait pas. D’autres fois, nous obtenons des informations dont le sujet pense qu’elles sont fausses, ou ignore, et dont on constate la véracité plus tard. » Voilà un élément très troublant, car un flash télépathique ne contredit pas ce que pense la personne dans l’esprit de laquelle le médium est venu le puiser. Par ailleurs, comme le souligne Julie Beischel, les lectures psychiques font partie de la pratique de nombreux médiums. Ils parviennent très bien, disent-il, à faire la distinction entre télépathie et communication avec une personne décédée ; le ressenti lié à chacune des situations est différent. C’est quelque chose dont ils ont, en outre, fait l’expérience depuis l’enfance.
En conclusion, l’approche scientifique de la médiumnité permet de conclure, pour reprendre les mots de Julie Beischel, que : « La réception d’information anormale est un fait mais nous ne pouvons pas déterminer d’où elle provient. Les données étayent l’idée de la survie de la conscience, d’une vie après la mort. Un aspect de notre personnalité ou de notre identité continue à exister après la mort physique sous une forme capable de communiquer avec un médium. Les données appuient également d’autres hypothèses sans rapport avec la survie de la conscience : la clairvoyance, la télépathie ou la précognition permettraient aux médiums d’obtenir des informations sans pour autant communiquer avec les morts. Cependant, maintenant que nous avons commencé à travailler sur l’expérience des médiums, nous avons tendance à penser que la survie de la conscience est l’explication la plus appuyée par les données. »